Transsibérien
le voyage avant la destination
Partie 1
Temps de lecture estimé : 7 minutes
Contexte
2017, j’ai 21 ans, beaucoup de temps libre, 5000€ d’économies et des rêves plein la tête. J’ai déjà compris à l’époque que le voyage est un investissement sur soi-même, et je n’ai jamais regretté d’être allé quelque part. Cette fois-ci, j’ai envie de sortir de l’Europe pour la première fois de ma vie. J’ai entendu parler du Transsibérien par mon ami Mathieu et l’idée d’emprunter ce tracé ferroviaire mythique à travers la Russie me plaît.
Après plusieurs mois de recherche et de préparation, je quitte la France début Février 2017 pour mon plus long voyage à l’époque. Je veux rejoindre la Mongolie, en partant de Pologne puis en traversant la Russie via la ligne du Transsibérien. En quittant la France, j’ai déjà mon visa de tourisme Russe en poche. Je dois passer la frontière le 15 avril et sortir avant le 14 mai. Je passe 2 mois et demi entre la Pologne et les pays Baltes. Le 15 avril 2017, j’entre en Russie en bus depuis Helsinki.
Le Transsibérien, c’est quoi ?
Le Transsibérien, c’est le nom donné à la voix ferrée qui traverse la Russie, de Moscou jusqu’à Vladivostok. Il faut compter 7 jours de trajet pour parcourir les 9000 km qui séparent les deux villes. Cependant, il est possible de bifurquer vers d’autres destinations une fois arrivé à la ville de Krasnoyarsk.
On a alors le choix entre 4 voies :
Personnellement, j’avais en tête de me rendre jusqu’en Mongolie en passant par la ville d’Irkutsk, à proximité du lac Baïkal. J’ai découpé mon trajet en 5 tronçons :
Je vous mets ci-dessous un lien vers le site du Routard pour plus d’informations pratiques sur le Transsibérien.
Rencontres
Les rencontres, qu’elles aient lieux dans le train ou ailleurs, rendent n’importe quelle expérience unique, singulière. Pour raconter mon histoire, je vais donc associer chaque ville visitée aux rencontres les plus marquantes. Cette aventure en Russie, elle commence dès Helsinki, en montant dans le bus qui doit me mener jusqu’à Saint-Petersbourg.
Il faut savoir qu’à l’époque, je ne parle pas un mot de Russe. J’ai juste appris « Я не говорю по-Русски » qui signifie «je ne parle pas Russe ». Avec ma tête, je me suis dit qu’on allait directement m’enchainer en Russe alors j’avais préparé ma riposte.
Par chance, je suis dans le même bus que Clarisse et Cécile, 2 françaises. Cécile vit à Saint-Petersbourg et Clarisse est venue lui rendre visite. Cécile me donne énormément de conseils pour voyager en Russie. Quelques semaines auparavant, j’avais rencontré un étudiant Russe dans une auberge en Lettonie qui m’avait donné le plus précieux conseil : « Ne mentionne pas la politique et ça ira. »
Spoiler, j’ai essayé.
Saint-Pétersbourg : Cécile et Clarisse
En arrivant à Saint-Petersbourg, Cécile m’aide à acheter une carte SIM qui fonctionne dans tout le pays. C’est un premier pas vers l’autonomie. Elle m’invite également à aller au restaurant avec son groupe d’amis. J’appréhendais un peu l’arrivée en Russie mais pour l’instant je suis très chanceux.
La seule chose un peu frustrante, c’est qu’on est mi-Avril et qu’il neige encore. Il faut dire que je suis un peu idiot car depuis début Février je me déplace vers l’Est. J’ai eu de la neige en Pologne en février, de la neige en Lituanie en mars et maintenant de la neige en Russie en avril. J’ai l’impression que l’hiver s’éternise. Un détail qui me frappe est que l’eau a gelé dans toutes les gouttières de la ville. Il ne faut pas marcher en dessous car des stalactites (assez énormes) peuvent se décrocher et ainsi te transformer en brochette kebab. Je vous laisse Googler « stalactite saint petersbourg ».
En 5 jours, j’ai visité des lieux incroyables, à commencer par les 2 petits châteaux de Versailles : le palais de Peterhof et le palais Catherine. J’ai pu entrer dans la cathédrale Saint-Sauveur-sur-le-Sang-Versé. Autre souvenir marquant, une messe orthodoxe le soir de Pâques dans la cathédrale Saint-Isaac. Je me souviens particulièrement de la visite du musée de l’Ermitage, plus grand musée du monde en terme d’œuvres exposées. Un peu comme le Louvre à Paris, il est presque impossible de tout voir en une journée. En plus des œuvres, les pièces du palais sont magnifiques. Moulures, ornements, dorures, marbre… tout y est. En bref, j’ai un excellent souvenir de Saint-Pétersbourg et j’y retournerais bien volontiers.
Après ces quelques jours d’acclimatation il était temps pour moi de me confronter au train Russe pour me rendre jusqu’à Moscou.
Anecdote
Pour garder de la flexibilité dans mon voyage, je n’avais pas acheté les billets à l’avance. Au fur et à mesure, je me renseignais sur les futures villes. En général, j’achetais le billet suivant 5 jours en avance.
Histoire de me forcer à me mettre un peu en difficulté, j’ai tenu à acheter mon premier ticket de train directement au guichet. Quand j’ai vu la galère que c’était, entre le monde et la barrière de la langue, je me suis tourné vers le site internet eng.rzd.ru : hyper pratique en version anglaise.
Trajet Saint-Pétersbourg – Moscou
Distance : 700 km – Durée du trajet : 7h
Le trajet jusqu’à Moscou dure 7h (à l’époque en tout cas) et j’ai opté pour un train de nuit. Ça y est, je suis dans mon premier train Russe. D’ailleurs, ça me fait penser à une petite anecdote de voyage qui date un peu…
Anecdote
La dernière fois que j’ai vu un train Russe, c’était en 2015 à la fin de mon Interrail en Europe. A l’époque, je dois me rendre de Rome en Italie jusqu’à Nice en France. J’ai déjà réservé mon TGV en France pour remonter en Picardie et commencer mon job d’été en Août chez Décathlon. D’après l’application Interrail, je dois prendre 3 trains différents en Italie, le dernier tronçon étant Vérone-Nice, de nuit. Une fois arrivé à Vérone, il s’avère que ce fameux train de l’application est en réalité un train Russe à réservation. Visuellement, ce train est tout droit sortie d’un film. On dirait le Poudlard Express.
Je m’avance vers le personnel d’entretien du train, or il me refuse l’entrée et ne parle pas anglais. Le contrôleur Russe vient à ma rencontre. Je lui explique que ce train apparait sur l’application. Il me dit qu’il s’agit d’un train à réservation et me demande 200€ en cash avec un sourire jusqu’aux oreilles. Evidemment, je n’ai pas cet argent et sur le moment j’ai juste envie de lui mettre des énormes patates.
« No money, no ticket »
Je le supplie de me laisser monter, là où les poubelles sont stockées entre les wagons. Je lui propose même mon dernier billet de 20€ pour m’assoir dans les poubelles. J’insiste sur le fait que j’ai déjà pris 2 trains depuis Rome, qu’il est minuit passé et que je n’ai pas d’autres solutions si je veux être de retour à la maison à temps pour débuter mon job. A ce moment là, je n’ai rien à perdre, je suis très fatigué et un peu désespéré. Malgré ça, ce saltimbanque me rétorque une phrase que je n’oublierai jamais avec son meilleur accent Russe : « No money, no ticket. »
Finalement, je retournerai sur mes pas en prenant un train dans le sens contraire, en pleine nuit, debout dans un wagon sans sièges remplis de vélo BMX. Alors voilà, jusqu’à ce que j’entre dans ce train à Saint-Pétersbourg, c’était ça mon unique expérience du train Russe.
Organisation du train
Même si le trajet entre les 2 plus grosses villes de Russie ne fait pas partie de l’emblématique Transsibérien, il n’y a aucune différence au niveau du train.
Les wagons sont composés de différentes classes. On trouve des cabines doubles, des compartiments pour 4, mais surtout la 3ème classe appelée « Platzkart » qui consiste en des wagons communs de 54 places. C’est bien entendu le moins cher et ce que j’ai choisi pendant mon voyage. Dans mon esprit, c’est un bon moyen de vivre une expérience unique avec des vrais Russes.
Dans ces wagons, il y a une première rangée de sièges/couchettes le long des fenêtres. On trouve ensuite le couloir puis des box de 4, sans portes ni rideau. La banquette du bas et une couchette et il y en a une autre juste au dessus. C’est évidemment un joyeux bazar car tous les passagers ont des bagages assez volumineux et des provisions pour ce long voyage. Les draps, oreillers et couettes sont fournis par le personnel du train.
Sur ce premier voyage, que j’effectue de nuit, je ne fais aucune rencontre significative. Il m’a surtout permis d’être à l’aise dans le train malgré l’effervescence permanente, entre les valises, les pyjamas et la nourriture. Le Transsibérien, c’est une expérience.
Moscou
Vous savez quoi ? Je n’ai pas un super souvenir de Moscou. Et là raison c’est que je n’ai rencontré personne de spécial. Je dormais dans une auberge qui ressemblait plus à une coloc de potes Russes qu’à un espace de partage pour touristes. De ce fait j’ai effectué toutes mes visites seul et ça les a rendu moins fun.
J’y suis resté 4 jours. Assez pour visiter les attractions les plus connues de la ville : la Place Rouge, le mausolée de Lénine, la cathédrale Basile-le-Bienheureux (qui rappelle la cathédrale Saint-Sauveur-sur-le-Sang-Versé de Saint-Pétersbourg), le Kremlin, etc. J’ai un bon souvenir du palais des Armures où des carrosses sont exposés notamment.
Trajet Moscou-Kazan
Distance : 800 km – Durée du trajet : 12h
Pour couvrir les 800 km qui séparent Kazan de Moscou, j’ai une nouvelle fois fait le choix de prendre un train de nuit. Le trajet dure 12h, c’est très pratique de partir en fin de journée pour arriver à Kazan dans la matinée. De ce fait, je ne rencontre personne sur ce trajet qui ne me laisse pas un souvenir indélébile.
Kazan : Rimma
En arrivant à Kazan, l’atmosphère me plait beaucoup plus qu’à Moscou. Les rues sont beaucoup moins bondées, la ville semble plus calme. J’ai décidé de rester 3 jours ici, juste assez pour visiter le Kremlin, quelques musées et surtout la mosquée. A cette époque, cette mosquée me fascine et elle est la plus surprenante que j’ai vu de ma vie. Elles se trouve sur une grande place qui permet d’admirer son côté majestueux. Sa particularité est qu’elle possède des toits bleus. Après plusieurs essais non-concluants à cause du contre-jour, je prends un super selfie à la GoPro. Je le trouve badass, je vous laisse juger.
A Kazan, je me rends dans un musée qui contient des objets de toutes sortes de l’ex URSS : instruments de musique, uniformes, cartes, armes, décoration, objets du quotidien, affiches, il y a vraiment de tout. Il s’agit d’une collection privée qui était tellement importante qu’on a pu en faire un vrai musée. La jeune femme qui s’occupe du musée s’appelle Rimma. Pour la première fois depuis plusieurs semaines, je rencontre quelqu’un qui parle un anglais parfait et qui n’est pas un touriste.
Nous sommes les 26 Avril et je fête mon 22ème anniversaire le lendemain. Je n’ai pas vraiment envie de le passer seul dans les rues de Kazan. Après quelques minutes d’hésitation, je propose à Rimma d’aller prendre un verre avec moi le soir, pour qu’elle me parle plus en détail de Kazan et de la Russie. Elle accepte sans hésiter.
Un anniversaire inoubliable
Après sa journée de travail, nous nous retrouvons pour boire un verre et manger ensemble. Le courant passe bien et comme nous sommes le soir de mon anniversaire, elle insiste pour trouver un gâteau et des bougies pour le célébrer dignement. Il est 22h passé, les chances de trouver un magasin ouvert pour un gâteau sont faibles, pour des bougies encore plus. Après un trajet de métro et grâce aux connaissances de Rimma, nous trouvons finalement un gâteau ET des bougies. Ainsi, je souffle mes bougies « 22 » dans les rues de Kazan grâce à cette rencontre inattendue.
Le lendemain matin, Rimma m’envoie un SMS pour m’informer que 2 françaises sont dans le musée en ce moment même et que je peux venir avec les restes du gâteau pour partager. Ni une ni deux, je saute dans mon pantalon et je me pointe au musée. Je fais la rencontre de Margaux et Elise. Moralité, le fait de vaincre ma timidité pour proposer à Rimma ce verre m’a permis de vivre une expérience unique. J’ai même conservé les bougies dans ma boîte à souvenirs de voyage et je ne suis pas prêt d’oublier ce 22ème anniversaire.
Premières impressions
En seulement 2 semaines en Russie, j’ai l’impression d’avoir vécu 6 mois de vie et d’avoir créé des souvenirs pour la vie. Cette impression, je l’avais déjà ressenti dans mes premiers voyages et c’est très grisant.
Si on se donne les moyens, on peut rencontrer du monde partout et plus leur expérience et leur mode de vie sont éloignés des notres, plus les conversations nous élèvent.
Pour lire la suite de l’aventure, c’est par ici : Le Transsibérien Partie 2/2.
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