MISSION HUMANITAIRE EN INDE
60 jours à Bangalore
Sortir de sa zone de confort pour grandir, prendre confiance en soi, découvrir de nouvelles choses ou encore élargir ses perspectives, le concept n’est pas nouveau. En partant en mission humanitaire en Inde, je savais que j’allais être déboussolé, mais je n’étais pas prêt à vivre le choc culturel qui m’attendait.
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En 2018, je découvre l’existence de l’association humanitaire LIFE PROJECT FOR YOUTH par l’intermédiaire d’une ancienne élève de mon école d’ingénieur. Elle propose un stage de 2 mois en Inde dans la ville de Bangalore pour les étudiants de l’école. Je n’ai jamais pensé aller en Inde avant ça, mais l’idée me plait beaucoup. L’avantage c’est que je vais rejoindre des Françaises sur place donc je ne serai pas livré à moi-même. En plus, je trouve que c’est une excellente opportunité pour mêler l’utile à l’agréable : validation de mon stage et découverte d’une nouvelle région du monde. Ainsi, début Juillet 2018, je m’envole pour Bangalore.
Contexte
Pour faire très simple, l’association « Life Project for Youth » (Projet de Vie pour la Jeunesse) ou LP4Y a pour ambition de former des jeunes de 15 à 24 ans issus de milieu très défavorisés, dans le but de leur permettre de trouver un travail assez rapidement pour sortir de l’exclusion sociale. Ainsi, les jeunes adultes peuvent aider leur famille, prendre confiance en eux, évoluer. L’association oeuvre dans de nombreux pays, pour moi il s’agit de la ville de Bangalore, une des 5 villes les plus peuplées en Inde.
Ma mission
Pour former les jeunes, il faut un local, type salle de classe. Généralement, l’association loue un bâtiment, le rénove et l’aménage de manière fonctionnelle pour l’apprentissage : le « Life Project Center ». En gros, ma mission est de réaliser les plans du bâtiment existant puis de proposer une organisation d’après les besoins de l’asso. Enfin, je dois trouver un entrepreneur local capable de réaliser les travaux au meilleur prix.
La difficulté principale de cette mission est le budget disponible pour les travaux. L’argent de l’association étant issu de dons, chaque centime compte, tout est optimisé. J’insiste : chaque centime compte.
Dans cet article, je vais m’attarder d’avantage sur le choc culturel que j’ai vécu et les apprentissages que sur la partie technique de mon stage.
Le quotidien
Sur place, je rejoins 2 volontaires de l’association : Lucie et Géraldine. Pendant ces 2 mois, je logerai avec elle dans un appartement à proximité du Life Project Center qu’elles ont elles-mêmes ouvert. Présentes depuis plusieurs mois ici, elles ont trouvé le local dans un « bidonville », rencontré les familles pour présenter le concept, convaincu les parents de l’intérêt du programme pour leur famille et commencé le coaching. Le centre se trouve dans un quartier très pauvre de la ville appelé « the Muslim colony », majoritairement musulman comme son nom l’indique.
La particularité du centre LP4Y de Bangalore est que la formation s’adresse uniquement aux filles. Les « cours » dispensés sont généraux : développement personnel, business, anglais, informatique. Ce n’est pas une école, c’est une formation professionnalisante dans le but d’être prêt à intégrer le monde professionnel. A l’issu de cette formation, les filles doivent effectuer un stage et si possible se faire embaucher à la fin. Pour stimuler, inspirer les jeunes et faciliter leur insertion professionnelle, Lucie et Géraldine organisent régulièrement des visites d’entreprises ou des rencontres avec des entrepreneurs indiens. En parallèle des activités liés à mon stage, je réalise aussi quelques coachings pour les jeunes. Je rencontre les familles et tente de démarcher de nouvelles personnes pour le centre. Je vis un peu de l’expérience de volontaire et ça me plaît beaucoup.
Anecdote
Pendant mon séjour, j’ai par exemple pu accompagner les jeunes lors d’une visite organisée chez Capgemini puis chez Décathlon. J’ai découvert que les filles n’étaient jamais montées sur un vélo, quasi impensable pour moi pour des filles de plus de 17 ans. On s’est retrouvé à tester les vélos dans les rayons, jouer au ping-pong et courir sur les tapis de course. La VRAIE expérience Décathlon !
Découvertes
Ce séjour en Inde est également synonyme de découvertes pour moi. Dès ma première semaine, je me rends pour la première fois de ma vie dans un temple hindou, pieds nus. Je trouve ça excellent comme expérience. J’apprends à traverser les routes dans le défilé de motos et de rickshaws (tuktuks). Au bout de quelques jours, je réalise que les indiens ne hochent jamais la tête pour signifier « oui » et « non ». Ils bougent la tête sur les côtés à la manière des figurines qui ont la tête sur un ressort.
Je découvre que la nourriture épicée n’est pas si dégueulasse, même si elle reste immangeable. On m’apprend également à manger avec les mains. C’est hyper kiffant, sauf quand tout le monde me regarde de travers parce que j’utilise ma main gauche. Dans la culture, la main gauche est utilisée pour les actions moins propres comme se laver les pieds ou les fesses. Meilleure découverte culinaire, les parathas, une sorte de pain indien. Un mélange entre la crêpe et le pain, une bénédiction des Dieux. A 15-20 centimes d’euro l’unité, j’en mange 5 par jour en moyenne. Plusieurs années plus tard, je trouverai les mêmes parathas au Royaume Uni à 2£ l’unité.
Choc culturel
J’ai tout de même beaucoup de mal à me faire à la vie sur place. Lucie et Gégé sont très sympas, notre logement est confortable. Nous avons quelques amis français en ville, essentiellement des jeunes expatriés. On regarde d’ailleurs tous les matchs de Coupe du Monde 2018 de foot de l’équipe de France en leur compagnie. Mais de voir toute cette pauvreté est dur à encaisser. Nous vivons dans un bidonville majoritairement musulman où nous sommes les seuls blancs. Toutes les femmes portent la burka dans la rue, même les filles du centre quand nous sommes en public. Moi, petit blanc ayant grandi à la campagne, c’est la première fois que je vois ça. J’apprends à gérer les regards insistants. Je suis également un peu frustré de rester 2 mois en Inde sans pouvoir vraiment visiter le pays parce que je travaille toute la semaine.
L’environnement général me fatigue psychologiquement. Le balais incessant des rickshaws, le bruit, les odeurs des déchets dans la rue, tout ça est pesant. Les poubelles sont à l’air libre dans les rues. Les habitants vident leurs déchets sur des tas énormes à proximité de leur maison et qui ne sont jamais évacués. J’ai encore le souvenir de certaines des pires odeurs jamais senties dans ma vie, sur un marché. Les animaux vivent librement dans les rues : vaches, chèvres, chiens, rats. Les chiots mangent des rats morts. Les enfants jouent avec des rats morts. J’ai un peu voyagé dans ma vie mais toujours dans des régions relativement riches et je n’ai jamais vu ça.
Anecdote
Pendant ces 2 mois, je me rends 2 jours à Pondichéry, ville que je ne connais que grâce aux examens blancs. Je ne dois pas être le seul, tous les ans on se tapait les brevets et bacs blancs de Pondichéry pour s’entrainer. Pondichéry est plus calme que les grosses villes, plus propre aussi. Le bord de l’océan est reposant. C’est là bas que je monte pour la première fois à 3 sur une moto pour aller à la plage avec 2 inconnus. Je découvre ce jour là que personne ne se met en maillot de bain à la plage. Apparemment, cela ne se fait qu’à Goa ou presque, zone beaucoup plus touristique.
Prise de conscience
A force de rencontrer les familles et de passer du temps dans notre quartier, je me rends compte de la difficulté pour les familles de vivre dans cet environnement. Ils n’ont rien ou presque. Une maison avec 4 murs mais pas de meubles avec parfois de la terre battue au sol. Certaines familles sont adorables avec nous. Elles nous invitent à des anniversaires, à venir prendre le thé ou même manger chez eux. C’est généreux mais déstabilisant quand une maman insiste pour que tu t’assoies sur l’unique chaise de la maison. Le contraste est très marqué entre la vie des expatriés qui vivent dans des appartements de 100m2 et la vie dans notre quartier.
Un matin, on nous annonce que le bébé des voisins de notre centre vient de décéder. Il avait de la fièvre. Lucie l’avait vu 2 jours avant, c’est un choc pour tout le monde. Ce jour là, je me dis : la fièvre n’est pas une maladie, la fièvre est un symptôme ! Tous les habitants de ce quartier n’ont tellement pas de moyens qu’ils ne peuvent jamais se soigner.
Réflexion
Vous devez penser que je suis naïf, car ces mêmes choses arrivent partout dans le monde, même à Paris. La grosse différence pour moi dans ce cas, c’est que je suis témoin de ce contraste. Aussi, je ne parle pas de quelques cas isolés qui auraient plus de difficulté que d’autres. C’est le quartier tout entier qui semble être au plus bas, à l’exception de quelques commerçants.
Oui, je sais que cela existe dans le monde, je sais que beaucoup de gens n’ont pas accès au minimum vital, mais c’est compliqué de le voir de si près et pour la première fois de ma vie. A certains moments, je compte les jours jusqu’à mon retour en France. Je m’étais renseigné un peu sur l’Inde avant mon départ, j’avais lu des articles sur « le Syndrome de l’Inde ». Peu importe la manière par laquelle elles se manifestent, ce pays suscite des émotions et ne laisse pas les voyageurs indifférents. Dans tous les cas, l’expérience humaine est positive : j’ouvre les yeux sur le monde. L’Inde est le second pays le plus peuplé de la Terre (1,4 milliards, au coude à coude avec la Chine) mais la pauvreté est très présente.
A chaque retour de voyage, un de mes moments préférés, c’est le contrôle d’identité à l’aéroport. Quand le gendarme Français lâche un « Bon retour ! » avec un grand sourire en tendant le passeport, ah quel plaisir ! A chaque fois, je vois ça comme la marque physique du retour à la maison : la France. Cette mission en Inde m’a fait ouvrir les yeux sur un monde que je ne connaissais qu’à travers les cours d’histoire-géo ou la télévision. Savoir que la pauvreté extrême existe est une chose, le voir à cette échelle en est une autre. Le retour m’a définitivement prouvé que la France est un merveilleux pays où vivre, quoi qu’on en dise.
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