MARATHON DE VALENCIA 2022
le plus rapide de l’Ouest
Valencia, ville de mon semestre Erasmus en 2017 mais également marathon très réputé en Europe. La course a lieu tous les ans en Décembre, parcours plat et météo clémente au rendez-vous. Après une excellente préparation en 12 semaines, dont 4 au Kenya, j’espère me rapprocher des 2h30.
Temps de lecture estimé : 8 minutes
Après Paris, je me suis fixé comme objectif d’atteindre 2h30 le plus vite possible. J’ai 27 ans et je suis dans mes plus belles années pour faire du sport. Je ne veux pas m’attarder sur un objectif pendant plusieurs années encore. La vie est trop courte pour faire du surplace.
À Paris, il m’a manqué 2 choses fondamentales pour le marathon :
- de la vitesse pure, une VMA plus haute
- de l’endurance après 35 kilomètres
Juste le temps de savourer le résultat et je suis retourner m’entraîner pour gagner en vitesse.
Après le marathon de Paris
J’ai choisi de faire un gros bloc VMA avec des courses de 10km entre Avril et Juillet. Dans l’idée, enchaîner des séances de 400m/800m/1000m/2000m et voir jusqu’où ça me mène.
En 3 mois, j’ai réalisé 33’52, 34’05, 33’36 et enfin 33’27. J’ai cherché en vain à casser la barrière des 33 minutes. Malheureusement, je pense qu’aucune des courses ne présentait des conditions idéales, mon résultat le plus rapide étant un enchaînement de virages en épingle. Quoi qu’il en soit, ce bloc de travail VMA m’a énormément aidé et j’ai repoussé mes limites pendant ces 3 mois.
Pour permettre à mon corps mais également à mon esprit de se ressourcer, j’ai pris la décision de couper complètement la course à pied en Août. Je suis allé m’aérer l’esprit à vélo sur les routes des Flandres et en randonnée sur le GR20 en Corse. J’ai couru 3 fois entre le 19 Juillet et le 3 Septembre. J’ai fait en sorte de garder 14 semaines entre ma reprise et le marathon de Valencia.
Le plan d’entraînement
Avant de me lancer dans cette longue préparation jusqu’à la course, j’ai établi un plan d’entraînement avec les lignes directrices suivantes :
- augmentation progressive du volume pour éviter les blessures
- pour limiter les difficultés en fin de course, au moins 4 sorties longues de 30km ou plus pendant la préparation
- atteindre les 100km par semaine
- moins d’alcool, plus de sommeil
J’ai rédigé ce plan dans une Note sur mon téléphone portable et je cochais les entraînements passés au fur et à mesure.
Déroulement de la prépa
Sur la première semaine, je n’ai réalisé que des footings de 30 minutes maximum. En semaine 2, l’objectif était d’augmenter progressivement la charge d’entraînement hebdomadaire, avec des footings de 50 min maximum et des sorties à vélo. J’ai passé les semaines 3 et 4 en voyage en Turquie. Il est toujours plus difficile de s’entraîner quand on n’est pas chez soi mais j’ai réussi à maintenir 40 puis 60km par semaine avec un peu de travail à allure marathon cible, 6×1000 et 3×2000 autour de 3’30/km.
De retour à la maison pour les semaines 5 et 6, j’ai enchaîné 80 puis 90 km avec du vélo en plus. Sur mes sorties longues, j’ai augmenté progressivement le nombre et la durée des répétitions à allure spécifique pour atteindre 10km de travail sur une sortie de 20km. La semaine 7 était la dernière avant mon départ au Kenya. J’ai choisi de faire une semaine plus légère pour assimiler le travail réalisé depuis Septembre et régénérer avant le stage : bilan 40km de run et 45 de rando dans les Alpes.
Stage au Kenya
De 8 à 11, TOUTE MA VIE a tourné autour de la course au Run’ix Athletic Center. Avec en moyenne 10 séances par semaine, il s’agit de loin de mes meilleures semaines d’entraînement à vie avec 110-120-140 et enfin 150 km par semaine. Avant ça, je n’avais jamais atteint les 100. J’avais fait en sorte de porter mes sorties longues à plus de 20 km en France pour pouvoir assumer au Kenya. J’ai pu faire 27-30-34-35km sur ces 4 semaines, encore une fois en incorporant environ 15km de travail à allure spécifique à chaque fois. J’ai eu énormément de mal à tenir l’allure de 3’33 sur ces séances. Plutôt que de réduire les séances, j’ai préféré ralentir légèrement pour tourner à 3’40. Un peu frustré, je me rassurais en me disant que l’altitude (2400m) et la fatigue devaient avoir un impact sur les allures.
Au retour d’Iten, il me restait une dernière grosse semaine de volume avant les 2 dernières semaines dites d’affûtage. Sur cette dernière semaine de travail, il fallait simplement que je test le modèle de chaussures choisies pour la course : les Nike Alphafly 2. Ayant couru à Paris avec le premier modèle, je connaissais les avantages et les défauts de cette chaussure. J’avais peu de doutes, je souhaitais simplement faire un essai pour confirmer. Ce modèle est selon moi le meilleur modèle de chez Nike pour marathon : plus rebondissant mais moins confortable que les Vaporfly. N’ayant pas essayé les modèles des autres marques, je n’ai pas d’avis sur le reste du marché.
Derniers réglages
La dernière sortie longue de 30km m’a permis de confirmer que les Alphafly étaient merveilleuses mais également que l’allure de 3’33/km n’était pas envisageable pour le marathon, altitude ou pas. Suite à cette dernière grosse semaine, j’ai pris la décision de revoir mon objectif à la baisse pour éviter d’exploser au 30eme kilomètre. En courant en 3’36, je peux espérer atteindre 2h32 et ainsi améliorer mon précédent record de 10 minutes.
Pour l’affutage des semaines 13 et 14, le maître mot est : TRANQUILLE. La préparation est quasiment terminée, il faut maintenant laisser le temps à l’organisme de se régénérer pleinement. Plus de doublette, plus de sortie au-delà des 2h. En réduisant le volume, les 2 douleurs que j’avais ramené du Kenya à la fesse gauche et l’aine droite se sont estompées pour disparaître totalement la dernière semaine.
Bilan de cette préparation :
- 1150 km en 14 semaines
- 5 semaines à plus de 100km
- 4 sorties longues de 30km ou plus
Une préparation si longue ne se passe jamais à 100% comme prévue mais j’aurais difficilement pu faire mieux que ça. Je suis resté loin des blessures, grâce au repos je suppose.
La course
Le Marathon de Valencia est réputé en Europe et dans le monde pour avoir des conditions de course favorables :
- Température clémente
- Densité d’athlètes rapides élevée
- Dénivelé presque inexistant (autour de 60m seulement)
- Parcours tracé pour limiter les effets négatifs du vent
Pour me rassurer sur la fin de course, j’ai effectué une reconnaissance du parcours entre 32 et 38km, moment où les jambes crient au cerveau de ralentir. Pas de difficulté particulière, encore et toujours des grands boulevards assez plats.
Le plan de course est simple : passer le semi en 1h16, conserver l’allure jusqu’au kilomètre 35 puis finir au mental. Peu importe le niveau du coureur, son allure de course, son entraînement ou son expérience, la fin se court TOUJOURS au mental. La cerise sur la gâteau serait d’arriver avec ou devant mon compère Elliot du Kenya.
Alea jacta est
Après seulement 5 minutes d’échauffement, j’entre dans le SAS à 2 minutes du départ. Je rejoins Elliot, Geoffroy et Alex, tous rencontrés au Kenya. A peine le temps de se saluer que le coup de pistolet retentit ! La densité d’athlètes est assez incroyable. Il est très compliqué de se placer correctement et de se suivre avec Elliot. Très vite, nous décidons de courir sur la piste cyclable complètement à droite de la route, le temps que le peloton s’étire. Cela prendra environ 4 km.
Au 6ème km, on croise les Élites qui en sont à 8km sur le côté opposé de la route. Nicolas Navarro et Mehdi Frère sont dans le groupe de tête, ça me fait tellement plaisir de les voir que j’hésite à crier « ALLEZ NICOoOoOoOOO ! », mais ce n’est que le début, je contiens mes émotions… pour l’instant. Elliot est légèrement plus rapide que moi et je fais l’effort pour récoler à chaque fois. Aux ravitaillements, il prend facilement 20 mètres d’avance. Après le 15ème km, je décide d’arrêter de me fatiguer inutilement en faisant le yoyo mais je préfère le garder à vue.
C’est dans la tête
Je passe le semi marathon en 1h16’27. C’est légèrement trop lent de 27 secondes mais j’en ai perdu 14 sur le premier uniquement, à cause du monde. Je ne suis pas inquiet, le chemin est encore long. À Paris, j’avais prévu d’accélérer après 35km mais mon corps n’avait pas pu. Cette fois-ci, je pense que la préparation et les semaines à plus de 100km vont me permettre de mieux terminer.
A partir du 28ème, je suis surpris de sentir des douleurs dans mes 2 quadriceps. Avec tout le dénivelé effectué au Kenya et sachant que le parcours de Valence est extrêmement plat, cela ne devrait pas arriver si tôt. Rien d’alarmant pour l’instant mais je sens que la fin va être compliquée. Le 29ème est le dernier point où je peux voir Juliette, Thomas et Guillaume venus m’encourager jusqu’en Espagne. Je profite de chaque instant où je les aperçois pour me motiver et me rappeler qu’ils croient en moi.
Anecdote
Autre élément de motivation que j’utilise à chaque course depuis mes débuts : la foule. J’ai pris l’habitude de toujours applaudir les groupes de musiques qui viennent jouer sur le bord de la route. Ils mettent systématiquement l’ambiance. Quand je vois un groupe de personne un peu ambiancé, je n’hésite pas à les inciter à crier, applaudir, encourager. Ce Dimanche à Valencia, j’ai lâché mes meilleurs « Venga! Vamos, vamos, vamos! » au public, malgré la douleur et la fatigue. D’ailleurs, tout disparaît avec l’excitation.
Autour du 32ème, je sens que la douleur dans mes cuisses s’intensifie et la fatigue générale s’installe. Je prends un 3ème gel Maurten (1er au 7ème et second au 18ème).
« Il ne reste que 10km. Il ne reste que 10km. »
dialogue interne
Peu après, je double un ami, mon colocataire du Kenya, en difficulté. J’essaie de le motiver comme je peux mais ses espoirs de gros chronos se sont déjà envolés. Deux kilomètres plus loin, je rattrape 2 autres compères partis initialement sur des bases de 2h25-2h26. Encore une fois, le marathon ne pardonne pas. Je suis complètement dépité pour eux, connaissant l’investissement fait pendant cette longue préparation. Je commence moi-même à être en très grande difficulté. L’allure ne change pas mais les douleurs sont impressionnantes. Je sens que mes 2 gros orteils sont complètement écrasés dans les chaussures.
Pour me distraire, je me tape le torse, je me parle à haute voix : « T’es un monstre, t’es un monstre. T’as pas fait tout ça pour rien. T’es un monstre p***** ». Cette fois-ci, je ne cherche plus à contenir mes émotions, c’est tout le contraire. Dans les moments difficiles, je creuse dans ma mémoire pour me remémorer des moments difficiles mais heureux. Tous les moyens sont bons pour oublier l’effort.
« Alors peut-être ! »
Je compte les kilomètres restants. Plus que 5km, c’est juste un bloc d’allure à l’entraînement. C’est facile, tu l’as fait des dizaines de fois. J’attends avec impatience la marque 40. À ce moment là, plus moyen de ralentir, la cité des Sciences de Valencia est visible, c’est la fin. Je tombe sur Thomas, Guillaume et Juliette dans le dernier virage au 40ème, encore un booster. A la montre, j’en suis à 2h25. L’objectif de 2h32 est atteignable mais il ne faut rien lâcher : « Nono, 2km, tu ne peux qu’accélérer. T’es un monstre ».
J’ai pour habitude de toujours sprinter sur mes arrivées. C’est drôle comme les douleurs ont tendance à disparaître à la vue de l’arche. A 500m de la ligne, j’atteins le tapis bleu, c’est le moment de PORTER mon attaque. Je suis au coude à coude avec un Espagnol que je ne compte pas laisser gagner. La dernière ligne droite est une libération. Je sais que je vais retrouver Elliot, le contrat est rempli.
Le travail paie toujours
Je passe la ligne en exactement 2 heures 32 minutes et 0 seconde. C’est fabuleux. TOP OF THE WORLD.
Je retrouve immédiatement Elliot qui m’annonce son 2h31’36. Il m’a battu de l’équivalent d’une possession au basket. Étonnement, je ne suis même pas jaloux ou envieux. Il a mérité chaque seconde et je vois ça comme une belle victoire collective. Personnellement, je ne pouvais pas faire mieux aujourd’hui et j’ai réalisé la plus belle course possible selon mon niveau actuel.
Big up à tous mes copains du Kenya qui ont réalisé des grosses performances également. Dans tous les cas, la préparation effectuée cette fois-ci servira sur une prochaine course. C’est la beauté du sport, l’entraînement sert toujours.
« Si tu ne travailles pas, tu ne vas pas réussir, c’est sur. Si tu travailles, tu n’es pas sur de réussir. »
Philippe Lucas, philosophe
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