FREEDIVING
vis ma vie chez Kaizen à Koh Tao
Dans cet article, je raconte une journée classique d’entraînement pour devenir PADI Master freediver chez Kaizen Freediving à Koh Tao en Thailande. Une immersion de 6 semaines consécutives.
Temps de lecture estimé : 8 minutes.
Pour une meilleure compréhension de ce post qui met l’accent sur la formation MASTER plus précisemment, je vous conseille de lire ce premier article en priorité. Il traite des différentes disciplines de l’apnée.
DISCLAIMER
Je ne suis ni coach sportif, ni professionnel de santé. Tout ce que je dis est basé sur mon expérience personnelle et mes recherches. Ce que je dis n’engage que moi.
Avant de commencer une nouvelle activité sportive, il peut être judicieux de consulter un professionnel de santé.
- la règle de BASE de l’apnée est de NE JAMAIS PRATIQUER SEUL.
- le meilleur moyen d’éviter les blessures dans le sport est LA PROGRESSIVITÉ.
Je précise que des exercices d’entrainement à la sécurité et au sauvetage en cas de perte de connaissance étaient pratiqués quotidiennement : au sec, à la piscine et en mer. Ne faites jamais d’apnée seul, en statique ou en dynamique. Ne plongez jamais sans la supervision d’un apnéiste certifié.
Entre mi-mars et fin avril 2023, ces 6 semaines de formation PADI Master Freediver chez KAIZEN FREEDIVING sur l’île de Koh Tao en Thaïlande ont été intenses sportivement. Encadré par Lana et Sergey, j’ai pu découvrir un sport qui allie physique, technique et mental.
Une journée type
À la manière d’un camp d’entraînement de course à pied comme chez RUN’IX au Kenya, l’essentiel de la journée tourne autour d’un unique but : la progression et le développement. Avec une routine bien en place, j’ai le sentiment d’avoir vécu la même journée en boucle pendant un mois et demi.
En Thaïlande aux mois de mars-avril, il fait très chaud. Au zénith, à Koh Tao, on atteint 35°C. En 6 semaines, je n’ai vu la pluie que 2 fois et très brièvement. Ayant des objectifs en course à pied à moyen terme, j’ai souhaité continuer à m’entraîner coûte que coûte. En prenant en compte la météo et le planning d’apnée chargé, je faisais mon footing de 45 minutes au lever du jour, entre 6 et 7h. Une fois ce réveil actif effectué, on pouvait passer aux choses sérieuses.
Planning d’apnée millimétré
Pour l’apnée, nous avions 2 séances par jour. La première avait lieu avant le petit-déjeuner, entre 7 et 9h et se déroulait en piscine. Vers 9h30, je mangeais un repas conséquent composé d’oeufs, de pancakes et de fruits. Après un footing et une séance de piscine, je m’octroyais une sieste entre 11h et 12h30. À 13h, le capitaine May et son petit bateau de pêche nous attendait pour aller plonger en mer jusqu’à 16h. Une fois séchés, Lana ou Sergey nous faisaient parfois un cours théorique de 30 minutes. À 17h, je prenais un encas, principalement du pain perdu, des céréales et des fruits.
Pour terminer la journée, je faisais une marche sur la plage pour observer un coucher de soleil qui ne déçoit jamais. Oui, regarder le coucher du soleil était une activité à part entière. Après en avoir pris plein les yeux, je me dirigeais vers un petit restaurant pour manger un plat généralement thaï : mon favori, le riz frit avec des légumes et du tofu. À 22h, j’étais au lit pour quelques minutes de scroll frénétique sur instagram avant de m’endormir.
Généralement un jour de repos tous les 3 jours était programmé, pour penser à autre chose et éviter les potentielles infections ORL liées à l’eau de mer. Il vaut mieux prendre un jour de repos choisi de temps à autre que de devoir prendre une semaine de repos forcé.
La séance du matin
La première séance avait lieu entre 7 et 9h du matin et il y avait 3 options :
1. Exercice de respiration et stretching
Une respiration calme et maîtrisée permet de réduire les battements du coeur ce qui améliore la durée d’apnée. Une bonne flexibilité du corps repousse l’arrivée des contractions en apnée et peut réduire le risque de blessure. Des tissus plus flexibles ont moins de chance de s’endommager sous la pression exercée par la profondeur.
Une séance dure 45 minutes environ, elle inclut l’étirement complet du corps ainsi que des exercices d’apnée statique.
Les tables d’apnée
Une méthode répandue pour améliorer ses capacités en apnée consiste à utiliser l’entrainement en hypercapnie/hypoxie ou plus simplement les tables d’entrainement, par série. Ces tables d’entraînement pour l’apnée sont des exercices structurés pour améliorer la capacité à retenir son souffle. Il existe deux principaux types de tables :
Tables de CO2
En retenant son souffle, la concentration en dioxyde de carbone (CO2) dans le corps augmente ce qui engendre le besoin de respirer. En augmentant sa tolérance au CO2, on peut retenir son souffle plus longtemps.
Les tables CO2 sont faites pour augmenter la tolérance au dioxyde de carbone (CO2). Pour cela, on maintient un temps d’apnée constant et on réduit progressivement les temps de récupération. Exemple :
- Apnée 1 min, récupération 2 min
- Apnée 1 min, récupération 1 min 45 s
- Apnée 1 min, récupération 1 min 30 s
- Apnée 1 min, récupération 1 min 15 s
- Apnée 1 min, récupération 1 min
Tables d’O2
Pour les tables d’oxygène, c’est le contraire. Elles permettent d’augmenter la capacité à utiliser l’oxygène. On augmente progressivement le temps d’apnée tandis que le temps de récupération reste identique. Exemple :
- Apnée 1 min, récupération 2 min
- Apnée 1 min 15 s, récupération 2 min
- Apnée 1 min 30 s, récupération 2 min
- Apnée 1 min 45 s, récupération 2 min
- Apnée 2 min, récupération 2 min
Plus d’informations sur ce très vaste sujet ici.
2. Séance d’apnée statique en piscine
L’apnée statique peut être pratiquée au sec ou immergé. L’avantage d’être dans l’eau, c’est qu’on déclenche le réflexe d’immersion propre aux mammifères.
Le mammalian diving reflex, c’est quoi ?
L’apnée est une pause dans la respiration, volontaire ou non. Cela active un réflexe appelé le « réflexe de plongée » (ou « mammalian diving reflex » en anlais), propre aux mammifères. Ce réflexe est amplifié par l’immersion du visage dans de l’eau froide par la stimulation des récepteurs cutanés.
Le mammalian diving reflex ralentit le rythme cardiaque, rétrécit les vaisseaux sanguins dans les bras et les jambes et augmente la pression artérielle. Le sang est alors redirigé vers des organes importants comme le cerveau et le cœur pour les protéger du manque d’oxygène. La rate peut aussi se contracter pour libérer des globules rouges, augmentant ainsi la capacité de transport de l’oxygène. Pour info, c’est pour cela qu’on a plus souvent envie d’uriner quand on est dans l’eau, car le sang afflue au niveau des organes (dont les reins).
Plus d’infos à ce sujet sur le site de l’Université de Rouen.
Chaque séance de statique en piscine commence par 3 tables de non-contraction. Dès que les muscles inter-costaux se contractent naturellement sans contrôle conscient, on parle de contraction. À la première contraction, on sort la tête de l’eau.
Ensuite, on enchaîne sur des tables O2 ou CO2 comme expliqué plus haut. Toutes les 3-4 séances, on peut se permettre de tenter un record si la séance s’est bien passée. Quand on est en confiance et qu’on arrive à bien se concentrer, les séances de statique sont un voyage intérieur incroyable.
Anecdote
Depuis mes 15 ans, âge à partir duquel j’ai commencé à faire des footings dans mon village, je parcours le même tracé. Je connais ce chemin par cœur, chaque panneau de signalisation, chaque virage, chaque champ. J’ai des dizaines de souvenirs positifs liés à mes entraînements de course à pied sur ce parcours.
Ainsi, au début de l’apnée, je me visualise en train d’enfiler mes baskets à la maison, ouvrir le portail, traverser la route, remonter la ruelle, tourner à gauche, saluer le voisin, longer les champs, observer ce lièvre qui détale à toute vitesse sur le chemin agricole, faire un check à ce panneau « Stop », etc. Sans utiliser trop d’énergie, car ces souvenirs sont ancrés, mon esprit est occupé.
Comme la boucle pédestre peut faire jusqu’à 30km, j’ai de la marge avant d’arriver au bout du chemin. Ainsi, je retarde l’arrivée des contractions dans ma cage thoracique et l’envie de respirer. Le jour où j’ai réalisé mon record en 4 min 45, j’ai utilisé cette technique d’évasion mentale.
3. Séance d’apnée dynamique en piscine de 22m
En dynamique, on veut parcourir la plus longue distance possible en étant relaché. La séance commence par 3 longueurs faciles, de 30 à 40m en apnée à mon niveau. Ensuite, on se focalise sur des détails de technique comme la cadence des battements ou la position du corps. Comme pour la statique, au bout de quelques entrainement, on peut tenter un nouveau record personnel.
N’étant pas un formidable nageur, je comptais plutôt sur ma bonne capacité pulmonaire et surtout sur ma force mentale pour atteindre l’objectif visé. J’avais à coeur de ne jamais renoncer de peur de fragiliser ma confiance en moi.
Anecdote
Le jour de mon dernier record, l’objectif était d’augmenter de 88m (4 longueurs) à 100m (4,5 longueurs). Je savais que j’en étais capable, encore fallait-il le faire.
Dès 44m (2ème demi-tour dans le bassin), je me suis dit que ça allait être dur psychologiquement. Je me suis focalisé sur ma relaxation et l’efficacité de mes battements. Dans ces cas là, il ne faut paniquer et ne surtout pas accélérer. Cela augmenterait la consommation d’oxygène au détriment de l’efficacité.
À 66m, avec une très forte envie d’abandonner, je me répétais en boucle « tu sais le faire, tu sais le faire » en pensant « mon dieu, pourquoi je m’inflige ça… ». Au dernier virage, la délivrance, j’étais convaincu que c’était gagné. À 100m, j’ai refait surface comme prévu mais avec le sentiment que j’aurais pu terminer la longueur. Comme quoi, l’esprit contrôle tout.
La séance de l’après-midi
Après une dizaine de minutes de bateau, nous atteignions le spot : au large, dans le grand bleu, pas un poisson en vue. À l’entrainement, on ne cherche pas à observer la vie marine, on cherche de la profondeur.
Une fois les bouées mises en place et les cordes installées, l’entrainement peut commencer. Par groupe de 2 à 4 par bouée, nous plongeons chacun notre tour alors que quelqu’un s’assure de la sécurité de l’apnéiste. Pour l’échauffement, on commence par 3 descentes en « free immersion », c’est-à-dire en descendant en tirant sur la corde avec les bras, tête en bas. D’abord 10 mètres pour la première descente, puis 15 et 20m si tout va bien. L’échauffement permet de vérifier qu’on n’a pas de problèmes d’égalisation de pression au niveau des oreilles et de déclencher le réflexe d’immersion. Les mouvements se font au ralenti.
Pour rappel, on fait en sorte d’avoir une flottabilité neutre à -10m. Entre 0 et 10, on a tendance à remonter naturellement alors qu’au delà de 10m de profondeur, on coule.
Anecdote
Pour permettre au corps de s’habituer à la pression (et pour le plaisir), on peut faire une pause en bas en s’accrochant à la corde, sur ces descentes peu profondes, avant de remonter. Certains de mes meilleurs souvenirs sont d’ailleurs ces pauses qu’on appelle « hang », où on est suspendu à la corde de manière immobile, dans l’immensité bleue, au calme, en paix.
J’aurais aimé pouvoir rester éternellement à certains moments. Dans les bons jours, les premières contractions semblent ne jamais arriver, tout est beau. C’est lors des « hang » que j’appréciais le plus cette vie privilégiée à l’autre bout du monde, sans travail et sans soucis.
Une fois l’échauffement terminé, on peut alors passer à la plongée la plus profonde. Si on veut tenter un record, c’est le moment de le faire. Par mesure de sécurité, on ne fait que 1 ou 2 plongées à la profondeur de son record. Après ça, on réduit progressivement la profondeur et on travaille des points techniques de nage ou d’égalisation des oreilles, à travers des exercices de perfectionnement.
En 6 semaines, j’ai pu atteindre le fond de la mer à Koh Tao, soit 35m. J’ai même pu remonter une poignée de sable le jour de mon record. À cette profondeur, les poumons sont presque comprimés au maximum et on approche le volume résiduel. Sortir de l’air des poumons pour égaliser les oreilles devient très compliqué. La luminosité diminue ainsi que la température de l’eau. Un autre monde s’offre à nous.
La théorie
À travers ces 2 articles, je présente une infime partie de ce sport. Il y a des centaines de points théoriques dont on pourrait parler et c’est ce que faisaient Sergey et Lana après le bateau de l’après-midi. Par sessions de 30 minutes, ils abordaient un sujet spécifique :
- La sécurité en apnée
- Les aspects scientifiques (système respiratoire, pression, narcose des profondeurs)
- Les aspects techniques (nage, égalisation de la pression, position, coordination)
- Les méthodes d’entrainement
- L’importance de la flexibilité
- etc.
Bilan
Pendant ces 6 semaines d’entrainement, j’ai pu partager la formation avec des dizaines d’apnéistes débutants et confirmés. J’ai eu la chance d’être encadré par des professionnels passionnés qui dédient leur vie au sport à travers la formation. Au quotidien, Lana, Sergey et les autres instructeurs nous permettent de nous former en toute sécurité à ce sport très peu répandu.
Mon objectif initial, avant même de débuter la formation, était de faire tout mon possible pour atteindre 50m de profondeur. À la fin de ma formation, j’ai même considéré aller à Dahab en Égypte durant quelques semaines pour avoir la profondeur nécessaire et continuer de progresser. Mais la conscience m’a rattrapé, et je ne me voyais pas passer encore plusieurs semaines seul ou avec des vacanciers de passage. La passion, quelle qu’elle soit, est plus intéressante à vivre quand elle est partagée.
Amis lecteurs, si l’envie vous prend, je ne peux que vous inciter à faire de l’apnée avec des encadrants, pour aller à la découverte de votre corps et de votre esprit. Si la passion nait en vous, n’hésitez pas à me contacter pour un petit voyage en Égypte vers Dahab ou en Turquie vers Kaş.
Si tu as des questions ou des remarques, n’hésite pas à laisser un commentaire !