ENTRAINEMENT HYBRIDE
peut-on performer sur plusieurs distances ?
Enchainer des courses qui n’ont rien en commun malgré leur nom, c’est possible ? C’est le défi que je me suis lancé cette année et je vous présente mon entrainement hybride.
Temps de lecture estimé : 8 minutes.
Coach-Joueur
Avant toute chose, laissez-moi vous rappeler que je ne suis pas coach. Je n’ai d’ailleurs jamais eu d’entraineur ni de licence d’athlétisme. L’idée d’avoir un coach qui me dit quoi faire ne me plaît pas plus que ça. Je préfère être flexible, tenter des choses, réussir ou échouer seul. Avoir un coach permet d’apporter un cadre et de la discipline dans un entraînement. Heureusement, j’arrive à me motiver seul et je n’ai pas besoin qu’on me pousse au cul pour aller m’entraîner. Est-ce que c’est nécessaire d’avoir un coach pour progresser ? Non. Est-ce que c’est plus efficace d’être encadré ? Oui, à 100%.
Ma manière de fonctionner est personnelle, je puise des informations un peu partout depuis maintenant 10 ans dans le but de m’épanouir dans ma passion. Ce que je dis n’engage que moi et ce qui fonctionne chez moi ne marchera peut-être pas chez vous. Après ce rappel des faits, place à l’article.
Contexte
En août 2023, je me lance le défi d’enchainer un ultramarathon de 100km et un marathon sur route à 2 semaines d’intervalle, en Nouvelle-Zélande. Initialement, je veux performer sur le 100 km et réussir le marathon serait du bonus, en fonction de ma forme. Même si on retrouve le mot « marathon », il s’agit de 2 disciplines bien différentes. Courir pendant 10h à 10km/h n’a rien à voir avec courir 2h30 à 17km/h.
Pour me préparer au mieux, j’ai souhaité me concocter un plan d’entrainement hybride me permettant de courir pendant 10h de suite tout en conservant des séances rapides pour également performer sur la route si possible. Dans cet article, je vous présente mon approche, la démarche et l’exécution de ce plan d’entrainement.
Un ultramarathon c’est quoi ?
Un marathon, c’est une course de 42,195 km. Un ultramarathon c’est une course plus longue que 42,195 km. Pour l’anecdote sur la distance, il faut remonter aux Jeux Olympiques de Londres 1908 où la famille royale a souhaité que le départ se fasse depuis la pelouse du château de Windsor avec une arrivée 42,195 km plus loin devant la loge du roi Edouard VII.
Si on joue sur les termes, je dirais qu’un ultra-marathon se différencie d’un ultra-trail par la difficulté de son terrain. Dans mon esprit, un trail présente un terrain technique qui nécessite d’alterner marche et course.
Cela peut être dû à une pente importante comme en montagne, un chemin non tracé comme sur la Barkley, des pierriers casse-figure comme sur le GR20, du sable à n’en plus finir comme sur le Marathon des sables, et j’en passe.
En opposition, un ultramarathon peut être couru de bout en bout avec un entraînement suffisant. C’était notamment le cas de Country to Capital en Angleterre où j’avais réussi à tout parcourir sans marcher à l’exception des ravitaillements. La course de 165km Tarawera by UTMB en Nouvelle-Zélande, qui se gagne en moins de 15h si on s’appelle Zach Miller, est également un ultramarathon.
Contraintes de planning
À Auckland, je travaille du Lundi au Vendredi de 7h à 17h. Courir au petit matin avant d’aller travailler est difficilement envisageable, cela voudrait dire me lever à 5h. Jouable mais pas idéal. J’ai pris la décision de ne pas le faire et par conséquent, je ne peux pas doubler les entraînements pour faire du bi-quotidien pendant la semaine.
Je suis prêt à courir tous les jours pendant les grosses semaines pour mettre toutes les chances de mon côté. J’aimerais atteindre 140-150km de volume hebdomadaire au maximum. Cela veut dire 20km par jour de moyenne. Sur ces semaines chargées, je ne peux pas me permettre de louper une séance.
Planning serré
Suite au marathon de Wellington et au trail WUU2K enchaînés en 3 semaines sans repos, je me suis légèrement blessé au genou. Avant de me lancer dans ce nouveau cycle d’entrainement, j’ai pris 2 semaines de repos complet, ce qui implique une reprise douce. Au moment où je suis prêt à reprendre, je suis à 12 semaines de la course de 100km. Pour ne pas prendre le risque de me blesser une nouvelle fois en allant trop vite en besogne, je souhaite faire cette reprise sur 2 semaines avant d’attaquer plus intensément.
Si on compte également les 2 dernières semaines qui sont censées être dédiées à la récupération en vue de la course, il ne reste que 8 semaines de qualité. Grosso modo, j’ai considéré qu’il fallait que je sois à 50-60km à la troisième semaine, augmenter de 10 à 15km par semaine pour atteindre 140-150 en semaine 8-9-10. Avec un planning serré comme celui-ci, je n’ai pas inclus de semaine de récupération au milieu du plan comme on le voit en général. C’est l’avantage d’être son propre entraineur, on prend ses propres risques et il faut assumer les conséquences.
Données d’entrée
Comme point de départ, je me suis basé sur mes plans d’entraînement Marathon précédents puis j’ai effectué quelques ajustements. Voici les données d’entrée utilisées pour créer le plan :
- Augmenter progressivement la charge d’entraînement hebdomadaire
- Réaliser beaucoup de sorties longues
- Inclure des séances spécifiques de dénivelé
- Conserver des séances rapides à allure marathon pour secouer le corps et s’amuser
- Garder un jour OFF si possible
Maintenant que j’ai listé mes contraintes ainsi que toutes les données d’entrée de l’entraînement, je peux m’attaquer à construire le plan.
Une discipline de fer
Comme point de départ du plan, je prends les sorties longues qui peuvent se faire uniquement le week-end. J’ai souhaité tenter quelque chose de nouveau dans mon entraînement et faire 2 sorties longues au lieu d’une seule.
La chose logique à faire pour être en forme sur les sorties longues est de réaliser un footing facile à plat le vendredi puis de prendre le Lundi off pour récupérer, sauf sur les 2 plus grosses semaines. Il ne me reste que 3 jours à combler dans le planning. J’ai le choix entre :
- Footing facile
- Entraînement en côte
- Séance de fractionné
Mon point faible est le dénivelé et le but de cette prépa est de courir très longtemps mais pas ultra vite. Il est préférable pour moi de faire 2 séances de dénivelé et 1 seul fractionné. Cependant, je ne me fixe pas de jour précis. Je préfère adapter en fonction de la météo très changeante à Auckland, de mon état de fatigue et de mes envies tout simplement. Dans tous les cas, les grandes lignes du plan sont établis. Il n’y a plus qu’à se lancer
Pour récapituler :
- Progressivité de la charge au fil des semaines. Ceci est valable pour le kilométrage, le volume horaire, le cumul de dénivelé positif, la longueur des répétitions de fractionné, la durée des sorties longues.
- 5 à 7 sorties par semaine
- De 50 à 150km au maximum
Exécution du plan
Semaines 1 et 2 : Reprise douce avec des sorties de 20 minutes, 30 minutes, puis 40 minutes pour enfin atteindre 1h au bout de 7 sorties. La douleur est genou est toujours présente mais diminue de jour en jour. Je ne peux plus me permettre d’attendre pour reprendre dans tous les cas.
Semaine 3 : Reprise des séances de fractionné faciles avec quelques 30″/30″ le mardi et un fartlek le jeudi. Première sortie longue de 1h45 le dimanche. La douleur a presque disparue, de bonne augure pour la suite !
Premières sorties longues
Semaine 4 : La vitesse est toujours là sur la séance de mardi, la forme remonte. Première sortie de 20km avec les collègues le samedi. Je suis prêt à allonger les répétitions et les sorties longues sur les prochaines semaines.
Semaine 5 : Le mardi, me sentant pousser des ailes, je sors un énorme 2×5000 autour de 3’40/km. Pas très malin puisque je m’en tire avec des douleurs à l’aine. C’est le jeu, parfois je veux me faire plaisir et ça coince. Typiquement, un coach n’aurait jamais planifié une séance comme ça à cette période.
Cette semaine marque surtout mon premier enchaînement samedi 20km + dimanche 20km. Plutôt que de faire des sorties longues TRÈS longues, je tente de faire beaucoup de sorties moyennement longues. Je me dis que la course doit durer moins de 10h et qu’il n’est pas nécessaire de faire des méga sorties. On verra si c’est la bonne technique.
God Bless the Bays Babes
Semaine 6 : Premier 30km et surtout rencontres avec les Bays Babes lors de cette grosse sortie du samedi. Les Bays Babes, c’est un groupe de coureuses ultra motivées qui vise le haut niveau du 1500m au semi-marathon. Ça borne 120km par semaine en moyenne chez les Babes, avec de la muscu en plus. T’as intérêt à bien faire tes lacets avant de partir parce qu’elles ne vont pas t’attendre mon pote.
Anecdote
Je ne cours que rarement en groupe depuis mes débuts. Heureusement à Auckland, en plus d’avoir rencontré les Bays Babes avec qui je fais mes sorties longues, je peux également courir avec mon ami Maxime qui prépare le marathon.
Même si je suis habitué à faire mes entrainements seul, il est 1203912 fois plus plaisant de courir avec quelqu’un. Les séances passent beaucoup plus vite. Le meilleur conseil d’entrainement à retenir de cet article, ça serait finalement de rejoindre un groupe ! D’ailleurs, je proposerai à Brigid des Bays Babes de m’accompagner à Taupo pour m’aider sur la fin de course. Le sport en groupe, c’est mieux.
Semaine 7 : La fatigue générale s’accumule. Je n’ai pas l’habitude de dépasser les 100km par semaine à l’entrainement. J’arrive doucement dans les plus grosses semaines, il faut s’accrocher. Ce weekend là, j’enchaine 30km le samedi et une sortie à 850m de d+ le dimanche. Le volume monte, les douleurs sont minimes, tout va bien.
Semaine 8 : Cette semaine est le summum du plan d’entrainement hybride. Parce que la vitesse me manque beaucoup trop et que je veux tenter de performer sur le marathon aussi, je me permets un 3x5000m à 3’40 le samedi pour finir la semaine par 1000m de d+ le dimanche. Je ne sais toujours pas dire si c’est utile ou stupide de s’entrainer de cette manière, mais ça a le mérite de me rendre heureux.
Longues semaines
Semaine 9 : Cette semaine est spéciale car mon ami Théophile vient d’arriver en Nouvelle-Zélande après avoir traversé la moitié de la planète en bateau. Pour l’occasion, je m’autorise une virée au pub le vendredi soir. Courir après une pinte n’est jamais chose facile pour moi mais la discipline est la clef de la réussite. Pour cette raison je fais tout de même une sortie ce soir là.
Le dimanche, je remplace la sortie course à pied par une randonnée avec Théo. Nous avons bien trop de choses à nous raconter depuis tout ce temps. La passion c’est bien, les amis c’est mieux. La rando est un bon compromis pour réussir à tout faire. Je boucle cette semaine avec 3000m de dénivelé positif.
Semaine 10 : Initialement, je souhaitais me rendre à Taupo pour faire le parcours complet de la course en amont, sur un week-end. Mais le tracé étant un aller-simple et non une boucle, la logistique était un peu compliquée. À la place, j’ai opté pour le tour de l’île de Waiheke à 40 minutes d’Auckland en ferry, sur le Te Ara Hura trail. C’est également l’occasion de tester mon matériel de camping en vue du Te Araroa, une randonnée de 3000km qui traverse le pays du Nord au Sud, que je prévois de commencer en décembre.
Je boucle ainsi ma semaine d’entrainement avec 4000m de d+. C’est ma 3ème semaine consécutive à +120km. Je n’ai pas réussi à monter jusqu’à 150km hebdomadaires comme je l’avais imaginé initialement. La faute à une fatigue générale accumulée au fil des semaines. Qu’à cela ne tienne, j’ai fait de mon mieux et je n’ai pas de regrets. Maintenant, place à la récupération jusqu’à la course.
Affûtage
Semaine 11 : Certains coureurs détestent les périodes de décharge, je suis de ceux qui adorent. Alors que les blessures planent au dessus des grosses semaines où la fatigue est permanente, l’affûtage est mon moment préféré. Je suis fier d’être arrivé au bout de la prépa, je n’ai plus peur de me blesser : je suis convaincu d’être en forme sur la ligne de départ.
Pour fêter ça, je m’autorise une dernière séance rapide le Samedi, une séance type marathon qui aura lieu 3 semaines plus tard. Vivement le weekend prochain !
Semaine 12 : Les semaines de course, je cours très peu. Cette fois-ci, je me contente de 2x10km mardi et mercredi. Le jeudi, un problème avec mon van m’empêche de faire ma sortie. Peu importe, cela n’a plus d’importance, le travail est fait.
Je termine cette préparation avec :
- 66 sorties en 12 semaines
- 950 km parcourus pour 17700m de dénivelé positif
- 96h d’entrainement
- 7 sorties de 20km à 30km et 6 sorties de 30km et plus
Enchainement
À Taupo, je prends la 9ème place en 9h53. C’est une heure de plus que mon objectif initial de moins de 9h. La grosse course maintenant derrière moi, il ne me reste que 2 semaines jusqu’au marathon d’Auckland. À ce moment précis, je ne suis toujours pas décidé sur mon objectif. Deux choix s’offrent à moi : courir pour le plaisir en accompagnant Maxime sur son premier marathon ou tenter le tout pour le tout pour battre mon record et faire un top 10.
À ma grande surprise, je n’ai pas souffert plus que ça suite à la course de 100km. J’ai pu recourir après 2 jours de repos complet. J’ai enchainé 2 footings faciles pour me donner un peu de marge puis j’ai tenté un 8x1000m le jeudi. Les bonnes séances avant une échéance me donnent la confiance nécessaire pour tenter un chrono en compétition. Quand on est convaincu qu’on est capable, on a déjà réussi 90% de la course.
Après 2 sorties de 20km le weekend, je sors un joli 2x4000m le lundi avant le marathon. Ces répétitions autour de 3’30 me confortent une nouvelle fois : je vais tenter un nouveau record à Auckland. Je n’ai rien à perdre et mes jambes semblent être en forme.
Bilan et apprentissages
Je boucle le marathon d’Auckland en un peu plus de 2h37, à 5 minutes de mon record et à la 7ème place. C’est un second Top 10 en 2 semaines et j’ai presque réussi mon pari. Au final, j’ai échoué sur mes 2 objectifs de cette prépa mais les résultats sont très bons quand même.
Sur l’ultra-marathon, j’ai manqué de force et d’endurance. Il aurait fallu que je fasse des sorties plus longues et du renforcement musculaire pour mieux préparer mon corps et pouvoir finir en moins de 9h. Sur le marathon, j’ai manqué de fraicheur pour passer sous les 2h30, la faute à un départ rapide sur un parcours exigeant.
Grâce à cette expérience, je me prouve une chose : les 2 disciplines sont différentes et on ne peut pas exceller dans les 2 simultanément. Chaque distance a ses spécificités et un entrainement hybride ne permet pas d’obtenir le meilleur résultat possible sur chaque course.
Une chose est sûre, je ne regrette pas du tout d’avoir essayé. En tant qu’amateur, l’important n’est pas dans la performance pure mais dans l’expérience et la découverte de nouvelles sensations à travers le sport.
Si tu as des questions ou des remarques, n’hésite pas à laisser un commentaire !