COURIR AU KENYA
un rêve qui se réalise
La quasi-totalité des records du monde féminins et masculins du 800m au marathon sont détenus par des Kenyans, Ethiopiens ou Ougandais. Autant de champions tous issus d’une même partie du monde, ça intrigue. Je suis donc allé courir au Kenya et voici le récit de mes 4 semaines d’entrainement à Iten, à 2400m d’altitude.
Temps de lecture estimé : 6 minutes
En 2015, je découvre l’existence de Julien Wanders. Un jeune coureur Franco-Suisse qui fait de la course à pied au Kenya. Son état d’esprit c’est : si tu veux être le meilleur, il faut s’entraîner avec les meilleurs.
Cheminement
En effectuant quelques recherches sur internet, je découvre que Bob Tahri (international Français) a ouvert un centre d’entraînement à Iten. Pour les coureurs, il s’agit de la Mecque de la course à pied. A l’époque, je suis étudiant et je n’ai pas beaucoup de temps. Je n’ai pas non plus les moyens financiers d’aller au Kenya tout seul pendant plusieurs semaines. Mon niveau en course est correct pour un jeune de 20 ans mais rien d’ahurissant. Je n’ai même pas de licence. Je me dis que je n’ai pas ma place là bas mais l’idée d’y aller pour m’entraîner me plaît. Cette année là, je cours mon premier marathon à Paris en 4h48, le chemin est encore long… Cependant, la graine est plantée dans mon esprit, j’envisage d’y aller, un jour.
2022, je viens de réaliser ma meilleure prestation sur distance marathon à Paris : 2h42 pour courir les 42,195km ! Je me classe 259ème sur 25 900 hommes. Très fier et boosté par ce résultat, je me dis que je devrais continuer sur ma lancée et faire une autre course cette année. J’envisage alors le Marathon de Valencia en Espagne, prévu le 4 décembre. Au même moment, je vois que le centre français Run’ix, installé à Iten au Kenya, propose des séjours tous niveaux, toute l’année.
Le déclic
Un matin, Run’ix annoncent sur les réseaux sociaux que leur centre est bientôt complet pour Octobre-Novembre, beaucoup d’athlètes venant justement pour préparer le marathon de Valencia. Ni une ni deux, je m’inscris à Valencia et réserve un séjour au centre pour la fin de l’année dans la foulée (sans jeu de mot). Ayant prévu de quitter mon job pour vivre mes rêves dès l’été, le problème de disponibilité, de budget et de niveau sportif ne se pose plus maintenant.
Quelques jours plus tard, je réalise que le Tahri Athletic Center découvert en 2015 est maintenant devenu le Runix Athletic Center. Coincidence ? Je ne crois pas.
Pourquoi Iten ?
Iten est un petit village à l’ouest du Kenya. Il se situe sur un plateau à 2400m d’altitude. Sa position géographique particulière en fait une destination optimale pour les coureurs, l’altitude jouant un rôle important pour booster les capacités physiques.
Pour couronner le tout, beaucoup des meilleurs coureurs du monde sont originaires de la région, les plus connus d’entre eux étant les demi-Dieux Brigid Kosgei et Eliud Kipchoge, actuels détenteurs des records du monde féminin et masculin sur Marathon. Comme par hasard. Littéralement « Home of Champions », la ville d’Iten porte très bien son nom.
Run’ix Athletic Center
Implanté dans le village d’Iten, le centre peut accueillir jusqu’à 30 athlètes simultanément. Le concept est de proposer des séjours en pension complète pour coureurs de tous niveaux. Il n’y a pas d’entraîneurs, chacun est libre de ses mouvements. Romain, Julian et l’équipe Kenyane sont là pour aider, guider, proposer des activités de groupe (sorties, safaris, visite d’école). Le centre dispose d’un espace de vie/restaurant, d’une salle de sport et de massage (assuré par Jacob) et de maisonettes pour 2 ou 3 personnes.
Mon expérience au centre
J’ai séjourné au Runix Athletic Center pendant 4 semaines entre mi-octobre et mi-novembre. La plupart des autres stagiaires restaient entre 2 et 4 semaines. Ainsi j’ai pu côtoyer une 50aine de personnes différentes pendant la totalité de mon séjour. A cette période de l’année, les compétitions visées sont majoritairement le marathon de Valence pour environ 70% des gens (comme moi), mais aussi les cross et la saison d’hiver en salle. Il y a effectivement des gens de tous niveaux, mais le gros de l’effectif sont des jeunes de 25 à 35 ans avec un niveau assez élevé. Quand on y pense, pour aller jusqu’au Kenya pour faire de la course à pied, il faut déjà beaucoup aimer ça !
J’ai apprécié le fait qu’il n’y ait pas d’esprit de compétition négatif. Les entraînements se déroulent tous en groupe, selon les séances prévues et le niveau de chacun mais toujours dans un esprit de camaraderie, pour se motiver et se tirer vers le haut. En 4 semaines, j’ai effectué 37 sorties de courses, dont 7 sur piste et 4 sorties longues. Je n’ai pas réalisé un seul entraînement tout seul ! Grâce au groupe et à la récupération optimisée (sieste/nourriture saine), j’ai pu dépasser pour la première fois de ma vie les 100km d’entraînement par semaine ! Et pas seulement une fois, mais sur mes 4 semaines passées au centre, et tout ça sans me blesser !
Résumé d’une journée type :
Réveil autour de 6:30, petit déjeuner jusqu’à 7:00, heure du départ pour la première séance de la journée. En moyenne, la séance du matin fait 15 km. En fonction du jour de la semaine, il peut s’agir d’un footing long, d’une séance de côtes, d’une séance de VMA ou d’une sortie longue. A la fin de la séance, nous avons l’habitude d’aller manger des chapatis et boire un tchai en guise de récupération. Petite douche et c’est déjà l’heure du repas à 12:30.
Après le repas, la sieste est un bon moyen d’accélérer la récupération avant la seconde course de la journée vers 16:30. Au retour, douche puis film/moment social avant le repas à 19:00. Après le dessert, le groupe aime jouer aux cartes, essentiellement le tarot africain. Un excellent moyen de renforcer la cohésion. Vers 21:00-22:00, déjà au lit. Loin des minuits et plus de la maison… Les journées passent vite et tout est orienté pour être en forme sur les séances. Spoiler alert : ça fonctionne !
Nickson
Nickson est un athlete local. Il mesure 1,75m pour 53kg, autant dire qu’il ressemble aux champions qu’on voit à la télé. Il m’a tellement impressionné qu’il mérite son paragraphe. La légende dit qu’il court le 10 km autour des 29 minutes et le marathon sous 2h10. Je ne suis pas allé vérifier, mais je veux bien le croire.
Nickson est comme notre guide sur place car les stagiaires ne connaissent pas les chemins. Pour éviter de faire toujours les mêmes boucles ou alors se perdre, il emmène le groupe sur des nouveaux tracés. Flexible, il sait s’adapter au niveau général du groupe qu’il emmène, même s’il n’hésite pas à ajouter quelques kilomètres à une séance en prétextant une petite erreur de parcours. On ne lui en veut pas, il souhaite le meilleur pour nous ! Adepte des séances de côte malgré ses cuisses de poulet, il est capable de dégoter des parcours avec 500m de d+ sur 20km ! Grâce à lui, j’ai eu la possibilité de découvrir des superbes chemins tout en progressant au fil des semaines !
Sport national
La force d’Iten, c’est que TOUT LE MONDE pratique la course à pied. Du petit garçon de 5 ans qui part à l’école en courant à l’élite international, les habitants d’Iten ont ce sport dans la peau.
Anecdote
Dès mon premier jour, j’ai pris part au footing de 16:30. Une petite sortie de 7 km à allure 5’30, pour faire connaissance avec le groupe. Sur notre retour, les enfants sortants de l’école ont couru plusieurs minutes avec nous, pour le plaisir, en tenant leur sac à dos d’une main pour éviter qu’il ne bouge dans leur dos. Une belle surprise en guise d’accueil. J’ai vu des vidéos d’un monsieur en costume, chaussures de ville et mallette à la main… tout est possible. Ce sport est magnifique.
Des groupes d’entraînement Kenyans existent dans le village, avec des rendez-vous hebdomadaires : fartlek le mardi et jeudi matin, tempo le mercredi.
J’aurais aimé prendre part plus souvent aux entraînements Kenyans, mais j’avais organisé mon plan d’entraînement avec des séances de piste le mardi et le jeudi. J’ai préféré me tenir au programme plutôt que de le modifier.
Le fartlek Kenyan
J’ai tout de même participé une fois au Fartlek du Mardi matin : 20×1’/1’ dans les chemins en terre rouge autour d’Iten. Allure rapide 2’50, allure de récup 3’50. Je n’ai même pas réussi à courir 2 intervalles avec le groupe de tête. Il y a tellement d’athlètes qu’il faut regarder ses pieds en permanence pour éviter de chuter, et le niveau est impressionnant. J’avais l’impression de me faire déposer par des femmes de 40 ans avec 3 enfants. Au final, j’ai fait seulement 10×1’/1’, pas à 2’50, en essayant de survivre jusqu’à la fin de la boucle. Expérience unique pour moi, qui remet n’importe quel athlète un peu arrogant bien à sa place. Vivement recommandé !
Le seul inconvénient de ces chemins, ce sont les pierres. Les pistes sont assez cabossées, il faut rester lucide pour ne pas se tordre les chevilles en fin de séance. Avec le temps, les appuis se renforcent et le risque de blessure diminue. Étant sur place « seulement » 4 semaines, j’ai privilégié les séances sur pistes et sur route plutôt que les chemins. Je voulais éviter de me blesser à seulement quelques semaines de mon objectif annuel. Cependant, certains chemins sont magnifiques, c’est comme dans les vidéos qu’on voit sur YouTube, mais en mieux.
Les athlètes Élites
Des dizaines, toutes nationalités confondues, de Konstanze Klosterhalfen à Abel Kirui (double champion du monde de marathon), les meilleurs coureurs du monde défilent à Iten. Cet endroit est vraiment la Mecque de la course à pied où tout le monde se retrouve pour s’entraîner et booster sa condition physique au maximum à l’approche des compétitions.
Le Kipchoge Stadium est une piste de 400m ouverte à tous située à Eldoret, à 30 minutes d’Iten en voiture. Les meilleurs coureurs s’y retrouvent. Le mardi matin, dès 7:00 du matin, les groupes sont déjà au milieu de leur séance, enchaînant les 1000m en moins de 2’50. Je n’avais jamais vu une piste d’athlétisme aussi remplie, plus de 50 coureurs, avec autant d’athlètes de ce niveau.
J’ai l’impression d’avoir vécu tant de choses en si peu de temps que je pourrais écrire un livre d’anecdotes!
Bilan personnel
En conclusion, courir au Kenya fut une expérience unique. Le partage au quotidien avec des passionnés, la terre rouge foulée par les meilleurs athlètes du monde, la simplicité de la vie rythmée par la course à pied pour beaucoup, toutes ces choses en ont fait une expérience hors du commun. Plus qu’une aventure sportive, je vois ça comme une expérience de vie. Pour moi, chaque voyage permet de prendre du recul, en observant le quotidien et les cultures de différents peuples. Parfois, comme lors de ce séjour, on prend une claque un peu plus forte. Merci Runix pour l’accueil, l’expérience, les souvenirs, « Asante Kenya ».
Crédit photos : RUNIX – Romain Gillig
Si tu as des questions ou des remarques, n’hésite pas à laisser un commentaire !
Un vrai globe-trotteur, mon voisin ! Cela ne peut être que très enrichissant. On n’a qu’une vie et c’est vraiment bien d’aller voir toutes ces autres vies dans ces lointaines contrées.
Allez Nono !!!!!!!