AUCKLAND MARATHON 2023
Objectif TOP 10
Enchaîner Ultramarathon à 9km/h puis Marathon à 17 km/h deux semaines plus tard. Ambitieux ou suicidaire ? Le meilleur moyen de savoir, c’est d’essayer.
Temps de lecture estimé : 9 minutes.
Contexte
En arrivant en Nouvelle-Zélande en Juin 2023, mon plan était de travailler pendant l’hiver pour voyager durant la bonne saison. Je n’avais aucune intention de revenir à Auckland avant le vol retour.
Il s’est avéré que j’ai eu une excellente opportunité pour travailler… à Auckland. Je n’ai pas pu laisser passer cette chance alors je suis revenu, même pas 2 mois après être parti.
J’ai appris que l’entreprise, Vinci, prenait en charge l’inscription au Marathon d’Auckland. Participer à ce marathon n’était pas du tout (du tout) dans mes plans. J’étais focalisé sur le Trail depuis plusieurs mois et la date de la course était 2 semaines après l’Ultramarathon de Taupo.
Rien à perdre
On lit parfois qu’il faut plusieurs mois pour récupérer d’un effort long, physiquement et psychologiquement.
Sauf que les exemples de gens qui enchaînent, et qui réussissent, ne manquent pas. On a évidemment Casquette Verte, notre borneur Français préféré, mais il n’y a pas que lui. Autre exemple mais moins connu du grand public, on a Sangé Sherpa, qui est capable d’enchaîner 10 courses de 100+ km en 10 semaines. En 2021, alors spectateur du marathon de Londres, je découvre Shalane Flanagan, une coureuse Américaine de très haut niveau qui enchaîne les 6 marathons Majors en 7 semaines !
Les 6 World marathons Majors
Les 6 villes qui composent le cercle très fermé des 6 World Marathons Majors sont Tokyo, Londres, New York, Chicago, Boston et Berlin.
Alors que plus de 800 marathons sont organisés tous les ans à travers le monde, seulement 6 courses prestigieuses forment les Majors.
En 2021, alors que les organisations sont perturbées par le Covid, les planètes s’alignent et les 6 courses ont lieu en l’espace de seulement 42 jours. Shalane se lance défi dans ce qu’elle appelle le Project Eclipse. Au terme de son Koh Lanta du marathon, elle boucle le 6ème marathon en 2h33’32 à New York. Chrono moyen sur les 6 courses : 2h38 (?!)
Plus d’infos sur la prouesse de Shalane par ici
Ma conclusion de tout ça, c’est que NON ce n’est pas recommandé pour 99% de la population mais avec un bon entraînement on peut réussir à enchainer les courses. Ainsi, je me suis dit « ALORS PEUT-ÊTRE », je me suis inscrit à Auckland et j’ai adapté mon entraînement. Je parlerai de la préparation dans le prochain article.
Tout ou rien
Taupo aussitôt derrière moi, je me concentre sur le marathon. Je n’avais pas décidé à 100% si j’allais tenter un chrono ou si j’allais faire de la figuration. Étonnamment, je n’ai ressenti aucune fatigue mentale après l’ultramarathon. Les jambes ont très vite récupéré et j’ai recouru après 2 jours de repos.
Suite à une séance de 8×1000 pour tester ma vitesse et me rassurer 10 jours avant, je me décide : ça serait all-in, tout ou rien. Je tente le tout pour le tout, quitte à exploser. Je n’ai rien à perdre et je ne me vois pas partir sur les bases de 2h40 pour assurer. J’ai le sub 2h30 en vue depuis presque 2 ans maintenant, je ne vois pas l’interêt de ne même pas tenter ma chance. Si Shalane Flanagan peut le faire, moi aussi je veux essayer.
La course
L’envie est une chose, mais les conditions de course jouent un rôle ultra important dans la réussite d’une compétition. C’est pour cette raison que les meilleurs athlètes du monde vont courir à Valencia ou Berlin. Pour performer il faut : un parcours plat, une météo clémente, peu de vent et une concurrence rude.
Auckland est à l’opposé de ça : plus de 200m de dénivelé positif sur la première moitié seulement, le vent en bord de mer et seulement 5 personnes par an sous les 2h30. Je suis conscient de ces points négatifs mais je ne veux pas me cacher derrière ça, je veux être dans ces 5 là cette année !
Jour-J
Le départ de la course se fait à 6h du matin, au lever du jour. Malheureusement pour nous et surtout pour les gens qui ont subit la catastrophe, le cyclone Lola apporte son lot de vent sur la ligne de départ. À 5 minutes de s’élancer je me dis que ça pue pour le chrono mais j’ai envie d’y croire.
Je n’ai pas demandé de dossard Élite pour cette course, mais j’ai bien l’intention de me placer devant. Je me cale donc sur la 2ème ligne, prêt à me mettre bien à l’abri du vent dans un groupe sans aucune intention de partager l’effort avec les autres mecs.
Prêt, feu, go !
Quand le départ est donné, 2 groupes se forment instantanément. Les 5 premiers partent devant alors qu’un groupe de poursuivants se met en place. Je me glisse dans ce second groupe et nous voilà partis à 4. Mon plan est très simple : partir sur l’allure de 2h30 ou presque malgré le dénivelé du premier semi-marathon et ne pas courir seul. Sur cette course, partir seul est le meilleur moyen de s’envoler comme un prospectus. Le groupe part un peu vite et il se scinde en 2 et 2 dès le 4ème kilomètre. Je suis à l’arrière et je ne veux pas me laisser distancer.
Anecdote
À Valence, j’ai fait l’erreur de rester dans un groupe un peu lent à la mi-course au lieu de suivre mon ami Elliot. Il avait fait l’effort pour recoller au groupe de devant et c’est comme ça qu’il m’a battu de 24 secondes à l’arrivée. On pourrait croire que c’est anodin sur 2h30, mais les détails comptent quand on est au maximum de ses capacités. Oui la blessure est toujours vive pour moi, je l’aurai un jour.
Premières difficultés
Je fais l’effort pour recoller en laissant mon partenaire tout seul derrière. Je m’accroche mais ils vont trop vite pour moi, nous tournons à 3’28 de moyenne entre 4 et 11km au lieu de 3’33. Le premier 10km est bouclé en 35’18 au lieu de 35’30. Notre groupe explose entre 11 et 14km, alors que nous approchons de la 1ère grosse difficulté de la journée : le pont. Environ 50m de dénivelé positif en 1km, en plein vent. Vous l’avez tous compris, nous sommes maintenant dans le pire scénario possible : 1 par 1, en côte avec un gros vent dans la gueule. D’ailleurs, un des mecs du groupe de tête n’a pas survécu non plus et nous le voyons marcher le long de la bande d’arrêt d’urgence. Comme dirait Rihanna : « Rum-pum-pum-pum, rum-pum-pum-pum, rum-pum-pum-pum
Man down ! »
Pour rester motivé, je commence à faire ce qui me diverti le plus pendant les courses : ambiancer les bénévoles et spectateurs. Je me mets à parler à tout le monde, faire des blagues, sourire, taper dans les mains, faire des grimaces, des pouces en l’air… nous en sommes seulement au tiers de la course et je tire la langue.
Arrivé au sommet du pont au km 16, je regarde ma montre : 200m de dénivelé positif, punaise ! Mon rythme cardiaque est à 185 alors que je boucle le kilomètre le plus dur en 3’53. Je me dis que la fin de cette satanée course va être drôle car je cours tout droit à la catastrophe. À cet instant, je suis virtuel 6ème de la course.
L’après pont
En cette mâtinée de finale de coupe du monde de rugby entre les All Blacks et les Springboks, j’atteins le centre ville vers 7h du matin. Les rues commencent à se remplir peu à peu et cela me booste. J’arrive à maintenir une allure correcte jusqu’à la mi-course et je passe le semi-marathon en 1h15’50 à la montre, à 50 secondes de l’objectif mais sur les bases de mon record. Honnêtement, je vois ça comme un miracle. En revanche, je ne vois même plus le 5ème qui ne semble pas avoir ralenti depuis qu’il m’a distancé 10km plus tôt. Derrière moi, le 7ème est introuvable également.
Anecdote
Depuis le passage du pont, je partage la route avec une femme en vélo handisport. Elle me dépose dans toutes les descentes et je la redépasse dans toutes les côtes. Nous plaisantons, je lance aux bénévoles « She’s racing me !!!! I won’t let her beat me ! ». Dans les descentes, elle hurle « See you at the next incline ! » en me dépassant à toute berzingue. Énorme respect à tous les participants handisport qui se tapent 42,195km vallonnés à la force des bras !
Croyez-le ou non, quand je cours, il m’arrive de penser à ceux qui ne peuvent plus le faire. J’essaie d’honorer ma parole faite à cette dame en fauteuil roulant qui m’avait dit « Profitez-en, jeune homme », à la gare d’Amiens en 2013. « J’essaie ! » avais-je répondu avec un sourire timide. Au passage, si une catastrophe m’arrive un jour, je suis très chaud de participer aux compétitions handisport avec ces tricycles.
Constat de la mi-course : le top 10 est largement jouable si je n’explose pas en fin de course. La partie vallonée est totalement terminée. Il ne reste qu’un aller-retour tout plat en bord de mer MAIS nous avons un bon vent de face jusqu’au 32ème kilomètre. Ensuite, nous l’aurons dans le dos entre 32 et 42. Clairement, l’objectif chronométrique me sort de la tête et je vais me concentrer sur le classement. De toute façon je suis déjà sec.
Sous le vent
Je connais cette route de bord de mer comme ma poche car c’est la seule avenue plate de la ville. C’est ici que tout le monde vient faire ses séances longues à allure spécifique le weekend. Je ne pense qu’à une chose, arriver à l’endroit du demi-tour. Cette route est interminable. Heureusement j’aperçois Brigid et Laura sur la piste cyclable. Il n’y a pas un chat sur le bord de la route donc un peu d’encouragement est bon à prendre. Je prépare mon plus beau sourire pour les dépasser.
Depuis le début de cette course (et comme sur tous les Marathon ou presque), j’applique la même technique : je marche aux ravitaillement pour prendre le temps de boire mon verre d’eau. Jusqu’à maintenant, je n’ai jamais déposé ma propre bouteille au ravitaillement pour gagner du temps. C’est parce que je me dis que je ne suis pas encore à ce niveau de précision. Je marche pour être sûr de ne pas avaler de travers. Je bois un gobelet à chaque ravito et je mange un gel tous les 7-8km / 30 minutes. Les 5 secondes de perdues à chaque fois évitent de taper le mur à 32km et de prendre 15 minutes dans la vue.
Anecdote
Vers le 26ème kilomètre, je vois un cycliste sur le bord de la route avec un visage « familier ». Il s’agit de Malcolm Hicks, marathonien Néo-Zélandais qui a participé aux Jeux Olympiques. Malcolm s’est maintenant retiré du circuit professionnel mais il court toujours localement. Il était d’ailleurs inscrit au marathon d’Auckland et j’espérais être à ses côtés sur la ligne de départ. Ce matin-là, il a finalement endossé le rôle de spectateur. Comme je suis très bavard pendant les courses, je me permets de lui adresser la parole « Hey, are you Malcolm ???? » – « I am, mate ». Je suis tout excité. Ce n’est pas tous les jours qu’on adresse la parole à un athlète Olympique.
Perdre une place mais pas la guerre
En me retournant, je vois qu’il pédale avec le coureur juste derrière moi, et l’encourage. Zut, je suis en train de me faire rattraper. Il s’agit du premier gars à avoir sauté de notre groupe de départ. Quand il revient à ma hauteur au 28ème kilomètre, je lui emboîte le pas pour rester abrité un petit peu. Sur la route d’en face, nous croisons la tête de course qui est aussi très étirée. Il semblerait que nous ayons tous fait cavalier seul aujourd’hui.
Mon camarade me tracte jusqu’au fameux demi-tour du 32ème. J’arrive à m’accrocher encore 2 kilomètres de plus mais il est plus frais que moi et me distance. De mon côté, je croise 2 groupes de 4 poursuivants chacun. J’estime l’écart à 1 minute minimum. Il me reste maintenant moins de 10 bornes à faire. Comme je suis un boss en mathématiques, je calcule qu’ils devraient me reprendre 6 secondes par kilomètre minimum pour espérer me rattraper. Je suis à 3’45-3’50, et vu leur état de fatigue, je suis assez serein mais il ne faut pas exploser.
Gestion de l’effort
En approchant de la fin, le nombre de coureurs que je croise augmente. On s’encourage mutuellement et l’ambiance est bonne. Les spectateurs sont inexistants sur ce loooooong tronçon, comme à Wellington finalement. Je me retourne de temps en temps mais je n’aperçois personne derrière moi sur la ligne droite. Je jette un œil aux coureurs que je croise pour essayer d’apercevoir mes collègues Maxime, Alexandra et Benoît, eux aussi sur le marathon.
Mon but est de ne pas trop ralentir pour conserver ma place. Je pense à manger mes derniers gels et je prends le temps de bien boire au dernier ravito. Je passe le 41ème kilomètre en 4’14, ça me fait mal au cœur sachant que je partais sur une allure moyenne de 3’33. La ligne d’arrivée approche à moyen pas et il me reste une dernière chance de finir la tête haute en exécutant un sprint final parfait. En arrivant au dernier virage, j’arrive sur un flot énorme de coureurs du semi-marathon qui terminent leur course eux aussi. Je slalome un peu et enclenche mon plus beau sprint sur les 100 derniers mètres. Finalement, je passe la ligne en 2h37’11 à la 7ème place. Le chrono est loin de l’objectif initial mais l’essentiel est ailleurs.
Bilan
Je suis venu travailler à Auckland sans la moindre intention de participer à cette course. Je me suis inscrit en me disant « on verra bien, ça ne coûte rien de s’inscrire ». Au fil des semaines d’entraînement, j’ai commencé à me dire que je pouvais tenter le coup. J’ai ensuite étudié les résultats des années précédentes pour arriver à la conclusion que le top 10 était accrochable.
À une semaine de l’échéance, j’ai souhaité tenter le tout pour le tout pour battre mon record, sans tenir compte des conditions. En atteignant la 7ème place, le pari de faire deux bons résultats en enchainant deux grosses courses est réussi. Je pars du principe qu’il vaut mieux rêver et se surestimer un peu pour atteindre le meilleur résultat possible. Je préfère viser 2h30 et podium pour finalement faire 2h37 et 7ème que viser 2h40 et 10ème dès le début. Vous voyez la logique ?
Ce raisonnement m’a permis de faire 1 top 5, 5 top 10 et 1 top 15 sur mes 7 dossards de l’année. La conclusion, je n’atteins jamais l’objectif fixé mais je ne me troue jamais complètement. C’est une année 2023 réussie. Pour terminer l’année, place à la rando avec la traversée de la Nouvelle-Zélande sur le Te Araroa en compagnie de mon compère Alex. Départ prévu le 1er décembre 2023. Je vous en parle bientôt !
Si tu as des questions ou des remarques, n’hésite pas à laisser un commentaire !
Wonderful rendition Arnaud!!