TAUPO ULTRAMARATHON 2023
mon premier 100km
Avant de m’attaquer à l’Ultratrail, je fais mes gammes sur des Ultramarathon, peu techniques et très roulants. Cet article raconte mon premier (presque) 100km à Taupo en Nouvelle-Zélande.
Temps de lecture estimé : 8 minutes.
La vidéo de ma course est disponible sur mon compte Instagram.
En quête de l’UTMB
J’ai abordé Taupo Ultramarathon comme mon grand objectif de l’année. Dans ma vie, j’ai besoin d’objectifs à long terme pour me motiver, surtout dans le sport. Si je n’ai rien de prévu, alors je me laisse aller. En général, je cherche très rapidement l’objectif suivant après une grosse course.
Typiquement, la fin de mon année 2022 a été consacrée au Marathon de Valencia en décembre. Juste après, je me suis inscrit à Country to Capital en Angleterre pour janvier puis l’Amazean Jungle Trail by UTMB en Thailande pour début février. En participant à une course label UTMB en 2023, l’idée est de préparer l’année 2024.
Pour tenter de participer à l’Ultra Trail du Mont Blanc en Septembre 2024, il y a 2 conditions à remplir :
- Posséder un UTMB Index suffisant (20k, 50k, 100k, 100M)
- Posséder des Running Stones
Ce trail de 50km en Thaïlande m’a apporté l’INDEX UTMB 50k et 2 Running Stones. J’avais désormais besoin de l’INDEX 100k et donc de participer à une course de 100km. C’est ainsi que je me suis mis à chercher une course en Nouvelle-Zélande pour 2023. J’ai cherché une course qui correspondait à mon profil de coureur : rapide avec peu de dénivelé. Ainsi je me suis penché sur Taupo Ultramarathon.
Un projet mûrement réfléchi
J’ai complété l’inscription au mois de février pour une course prévue en octobre. Cela me laissait tout le temps nécessaire pour me préparer. Après presque 2 mois de coupure pour me focaliser sur mon voyage en Asie, j’ai repris l’entraînement en Avril. Je souhaitais être le meilleur possible pour cet événement.
Ma préparation a débutée par un marathon. Avant de mettre l’accent sur le volume et le dénivelé, j’ai souhaité consacrer la première partie de ma saison à faire de l’allure marathon. Du mois d’avril au mois de juin, j’ai préparé le Marathon de Wellington. En seulement 10 semaines, je suis revenu aussi fort que pour le marathon de Valencia. Je n’ai pas réussi à battre mon record mais j’ai eu d’excellentes sensations avec des conditions de course moins favorables.
Au lieu de faire une pause après le marathon, j’ai directement enchaîné sur un autre cycle, cette fois ci axé sur mon point faible : le dénivelé. J’avais la chance d’être à Wellington qui possède plusieurs petits sommets. D’ailleurs, j’ai découvert à la dernière minute qu’il y avait un trail de 60km dans ces collines. J’ai continué à m’entraîner fort et je me suis donc présenté sur la ligne de départ de cette course de trail 3 semaines après le marathon. Entre temps, j’ai développé une petite gêne au genou droit. Douloureux au toucher mais sans douleur pendant l’effort.
À la suite de cette course, j’ai pris 2 semaines d’arrêt complet pour ménager ma blessure au genou. J’ai également changé d’emploi pour passer d’ouvrier de chantier à Wellington à ingénieur dans la construction à Auckland. À 10 semaines de Taupo, après un cycle de vitesse, un cycle de dénivelé et du repos, j’abordais la dernière ligne droite.
L’objectif
Contrairement à l’Europe, j’ai découvert sur le marathon de Wellington que la concurrence n’était pas aussi rude en Nouvelle-Zélande. Avec 2h32’00 à Valencia, je me suis classé 474ème alors qu’avec 2h33’27, j’ai fini au pied du podium à Welly. Alors que je courrais essentiellement pour le chrono jusqu’à maintenant, je cours désormais pour le chrono et pour le classement.
En faisant mes recherches, je remarque que la course se gagne tous les ans entre 8 et 9h. Si le meilleur gagne en 8h30, je dois pouvoir me rapprocher des 9h. Je me fixe donc sub 9h et top 3 comme objectif.
Cela peut paraître un peu osé car j’ai peu d’expérience sur des courses de cette distance mais je sais que je suis capable de courir sans m’arrêter pendant 6h, je l’ai fait sur Country to Capital à 5’15min/km de moyenne. En ralentissant, je dois pouvoir le faire sur 9h.
Pacing is caring
L’organisation permet aux coureurs du 100km d’être accompagnés d’un pacer pour la fin de la course. Un pacer ou lièvre en Français est un accompagnateur.
Pour les courses sur piste et sur route, c’est lui qui donne le rythme. Il court en tête de la course et emmène les autres coureurs. Finir la course n’est pas sa mission. Il doit agir comme métronome puis laisser les compétiteurs se faire la course à la fin. En trail, au bout de 7h de course, son rôle change. Il agit plus comme un soutien moral que comme un métronome.
Comme j’ai investi beaucoup de temps, d’énergie et d’argent dans cet événement, je veux qu’il soit mémorable. Pour se créer des souvenirs, rien de mieux que de partager une expérience. C’est pourquoi j’ai demandé à mon amie Brigid de m’accompagner à Taupo et de me pacer sur la fin de la course, entre 70k et l’arrivée.
Un départ prudent – 0 à 15km
Un traileur performant, Valentin Orange pour ne pas le citer, m’a conseillé de diviser la course en plusieurs petites sections. Psychologiquement, il est plus facile d’envisager courir 5x20km que 1x100km. Une fois qu’un tronçon est passé, on l’oubli pour se focaliser sur le suivant.
Pour le début de course, mon objectif est de ne pas partir devant pour rester prudent, tout en gardant un rythme correct pour ne pas me faire trop larguer par la tête de course. L’idée est de reprendre du monde en cours de route.
Le départ est donné à 5h30 et la première heure se fait de nuit. Jusqu’au lever du jour, je cours au niveau le top 15, sans m’affoler. Je me cale derrière d’autres coureurs pendant 1 ou 2 km puis je double. À chaque fois que je rattrape quelqu’un, je reste un peu derrière pour temporiser.
Nick Johnston – 15 à 35km
Aux alentours du 15ème kilomètre, j’entends quelqu’un me rattraper. Il s’agit de Nick Johnston. Comme j’ai bien fait mes devoirs, je connais son visage. Nick a déjà gagné 3 fois à Taupo et il a terminé 2nd l’an passé. Il n’a pas grand chose à prouver aujourd’hui. Ça me rassure de voir qu’il est parti tranquillement aussi. Quand il me reprend, il a une allure bien plus rapide que la mienne alors je décide d’accélérer le pas. Il est expérimenté, je vais le copier un peu. C’est aussi l’occasion de taper la discute. Je suis bavard.
Nick me dit qu’il ne vise pas de gros chrono ni classement aujourd’hui. Je ne sais pas s’il est sérieux ou juste humble. En discutant, je réalise qu’il est juste vraiment humble et naturel. Réussir à le suivre serait le gage d’un bon résultat. Je cours quelques kilomètres devant lui, comme si je voulais lui prouver que j’étais un coureur sérieux moi aussi. Ego mal placé.
En passant le 2ème ravitaillement, il ne s’arrête pas et me double. C’est le moment où nous sortons de la forêt pour arriver dans des pâturages. Nous apercevons 2 autres coureurs à quelques centaines de mètres devant. Mon compère accélère le pas et je fais de même. Nous les doublons et continuons autour de 4’30min/km. C’est rapide et je me dis qu’il est trop tôt dans la course pour tartiner car nous en sommes à 30km seulement. Nick est impressionnant dans les trous et les bosses des pâturages. Je ne peux pas suivre et je lève le pied. Je suis classé 7ème à ce moment.
Temporisation nécessaire – 35 à 50km
Après le 4ème ravitaillement au kilomètre 35, nous arrivons sur une route départementale bitumée. Elle est rectiligne, en montée sur 6km puis en descente sur à peu près la même distance. Alors que je vois généralement la course sur route comme ma force, je peine aujourd’hui.
Je n’ai pas respecté mon plan nutritionnel car je n’ai pas touché à mes purées salées depuis le départ. Pour tenter de me relancer, je prends le temps de marcher quelques minutes pour prendre de la nourriture dans mon sac.
Je me fais doubler par 2 concurrents dont la première féminine à l’approche du 5ème ravitaillement. On en est à la mi-course, c’est aussi la zone de départ du 50km. Je suis toujours dans le dur quand j’entends la première femme dire à ses parents : « I’m feeling great !!! ». Effectivement, elle paraît être en pleine forme ! Cela me met un petit coup au moral mais il m’en faut plus pour baisser les bras.
Ça se complique – 50 à 70km
La bonne nouvelle après ce passage à la mi-course, c’est que je vais courir avec d’autres personnes jusqu’à la fin car le 50km et le 100km suivent le même tracé. L’excitation et probablement la nutrition me permettent de bien courir pendant l’heure qui sui. Je double un nombre incalculable de personnes et ça me reboost psychologiquement.
La mauvaise nouvelle, c’est que j’ai un nouveau coup de mou vers les 60km. J’ai mal à l’aine et j’ai du mal à continuer à courir tout le temps. Je fais le choix de marcher toutes les petites bosses mais de continuer à courir sur le plat et dans les descentes. Les kilomètres deviennent de plus en plus longs et je n’ai qu’une chose en tête : atteindre le ravitaillement de Kinloch au kilomètre 70 pour retrouver Brigid qui m’attend là bas. Dans mon esprit, ce ravitaillement apparaît comme une arrivée avant l’arrivée.
Thank you Brigid – 70 à 93km
J’atteins enfin Kinloch après 7h15 d’effort. J’aperçois ma paceuse de luxe et son grand sourire, cela agit comme un énorme coup de fouet. Elle est venue pour courir, pas pour marcher, et je lui ai vendu du 5’30min/km. Pas question de me dégonfler, je fais donc de mon mieux pour courir. Nous utilisons toujours la même technique qui consiste à marcher les montées mais courir le plat et les descentes.
L’objectif pour cette fin de course est triple :
- courir le plus possible
- ne pas se faire doubler
- passer sous la barre des 10h
Brigid est pleine d’énergie, elle fait de son mieux pour me motiver. Tous les moyens sont bons, elle se met à compter « 1, 2, 3, 4 » dans toutes les langues possibles. Elle enchaine : « Allez, on court jusqu’à la prochaine bosse. C’est bien. » Ça semble fonctionner, nous courrons !
L’émotion
Une technique que j’utilise dans les moments difficiles en course est de visualiser des souvenirs positifs dans mon esprit. Je recherche les émotions pour me donner de la force.
Anecdote
Je me mets à repenser à mes premières sorties de course à pied quand j’avais 16 ans. Mon Papa m’accompagnait systématiquement à vélo à l’époque. Il le fait d’ailleurs toujours quand je suis en France à la maison. Ces souvenirs me font réaliser tout le chemin parcouru depuis plus de 10 ans maintenant. À 16 ans, alors que je pratiquais le basket-ball, j’avais une fois couru 33km en 3 jours. Je me souviens de la fierté ressentie après cet accomplissement. Aujourd’hui, je suis en train de réaliser la plus grosse sortie de ma vie avec presque 100km en une seule journée, et je joue le top 10.
Me remémorer ces souvenirs heureux me donne les larmes aux yeux presque instantanément : « QUE DE CHEMIN PARCOURU » me dis-je. Le problème avec les larmes, c’est que ça brouille la vue et j’ai du mal à voir les racines sur le sentier. J’essaie de contenir mon émotion pour ne pas me casser la figure à seulement quelques kilomètres de l’arrivée. Je me félicite d’avoir réussi à pleurer si vite, un vrai acteur.
Brigid est toujours au taquet et nous courons aussi vite que possible. J’ai l’impression que nous allons à 15km/h alors que nous sommes à moins de 10. On entend même ce que nous pensons être l’arrivée. Moins de 10h, on va le faire !
« Let’s go, looking good ! T’es un monstre Nono. LORD, I GOTTA KEEP ON MOVIN. Machine mec, personne ne te rattrape à cette allure. Punaise, il est où le 8ème. Prépare-toi mon grand, j’arrive. THUNDER… hunhunhunhu… THUNDER… hunhunhunhun… you’ve been THUNDERSTRUCK. » pendant des heures, Céline Dion, AC/DC, Bob Marley et des dizaines de couplets de rap en boucle dans ma tête pour me motiver.
La fin est très proche et je connais les derniers kilomètres car je suis venu en repérage ici au moins de juin en arrivant en Nouvelle-Zélande. Quand je vous dis que ce projet a été prévu bien à l’avance…
L’arrivée
Au bout de l’effort et après 9h53, je passe enfin la ligne d’arrivée en 9ème position. Nous n’avons rattrapé aucun participant du 100km malgré un bon rythme sur les 20 derniers kilomètres. Le 8ème est à 2min30 devant moi. Nick Johnston, mon compère du début de course, termine 7ème en 9h41. La première féminine qui m’a doublé à la mi-course termine 4ème en 9h21 alors que le podium est sous les 9h.
Bilan
Mes sentiments à l’arrivée sont partagés. Je suis très fier d’être arrivé au bout, j’empoche au passage mon INDEX UTMB 100km. Je voulais que ce week-end à Taupo soit mémorable et il le sera. J’ai pris beaucoup de plaisir, j’ai donné le meilleur de moi-même et le classement est très honorable.
De l’autre côté, j’espérais initialement moins de 9h. Ce qui m’aurait permis d’atteindre le podium. Encore une fois, des attentes élevées qui apportent un brin de déception malgré le bon résultat.
Mon prochain trail aura encore lieu en Nouvelle-Zélande. En Février, je tenterai de courir le Tarawera Ultramarathon, cette fois-ci sur la distance 160km. Wish me luck.
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