COUNTRY TO CAPITAL
tous les chemins mènent à Londres
Sans objectif, j’ai beaucoup de mal à m’entraîner sérieusement. Après le marathon de Valence 2022, je voulais me lancer un nouveau défi de course à pied pour tirer profit de tout l’entraînement réalisé au Kenya : faire 10h de course à pied par semaine pendant plusieurs semaines pour une seule course, c’est dommage non ?
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Une fois le gros objectif du marathon de Valence terminé, il a fallu se remotiver un peu pour retourner à l’entrainement. Concernant les objectifs, j’ai eu plusieurs idées, bien différentes :
- un de mes vieux objectifs, c’est d’atteindre les 32 minutes au 10km. D’après les tableaux de niveau de la FFA, mon 2h32’00 au marathon serait équivalent à exactement 32’00 au 10 km. Sur le papier, c’est atteignable, à la corrida de Houilles le 18 décembre 2022 par exemple. Le problème, c’est que 2 semaines entre les 2 courses, c’est très juste. J’ai besoin d’un peu de repos
- autre idée, je souhaite m’orienter vers le trail depuis plusieurs années. Je pense avoir fait un peu le tour de la course sur route, je voulais simplement valider un chrono honorable. J’ai envie de ressentir d’autres sensations en course, et je pense qu’il faut courir +15h pour les atteindre. Après quelques recherches, je tombe sur un trail assez plat en Angleterre, qui se termine à Londres. Avec le gros volume effectué ces derniers mois, j’ai envie de me lancer un défi sur une course longue. En plus, c’est l’occasion de retourner voir les copains à Londres puisque j’ai quitté mon travail il y a 5 mois.
Ma décision est prise : on oublie de 10k pour l’instant, je pars sur le trail !
Country to Capital
L’année 2023 marque la 15ème édition de la course Country to Capital. Le tracé relie la ville de Wendover à Londres. La distance totale est de 43 miles (soit 69 km) pour un dénivelé positif de 400 m.
La première partie de la course se déroule dans des chemins à travers les champs et la seconde partie du parcours se fait le long d’un canal jusqu’au quartier de Paddington à Londres.
Se déroulant au mois de Janvier, il peut faire assez froid avec des chemins boueux. La grosse particularité de cette course et qu’elle n’est pas balisée. L’organisation fournit des cartes et il faut se débrouiller (ou faire confiance aux autres…)
Stratégie de course
En étudiant les résultats des années passées, je vois qu’il faut parcourir les 70km en 5h pour gagner soit une allure 4’15 au km. Je me mets à rêver un peu car 4’15 sur le plat, c’est une allure que je tiens facilement pendant 50km minimum. Dans un grand jour, je peux viser le podium voire même la victoire. J’ai réduit l’entraînement depuis le marathon de Valence mais la base est là.
Pour réussir à maintenir l’allure, il faut s’alimenter correctement pendant la course. Pour faire simple, je pars sur une base de 1 gel Maurten tous les 10km et de l’eau tous les 5km. Je prends en plus une banane et des barres de céréales au cas où dans mon sac. C’est très léger mais je préfère ça qu’avoir l’estomac en compote à la mi-course. Au pire, il y a 5 checkpoints/ravitaillement sur le parcours.
Préparation
Mon plan de course est donc de rester avec le groupe de tête jusqu’à la moitié, en espérant qu’un des mecs connaisse le chemin puis voir mon état à partir des canaux, accélérer sur la fin si possible. La course à pied, c’est facile sur le papier ! Le seul bémol dans tout ça, c’est que je ne cours presque que sur la route et je ne sais pas comment je me sentirai après 35km dans la boue. Surtout qu’ils annoncent de la pluie et que je n’ai pas d’expérience sur cette distance. C’est un peu pour ça que ce défi me plaît !
La veille, j’étudie la carte. Pour ne pas avoir à regarder la carte au format papier pendant la course et donc perdre du temps à me repérer, je décide de placer 30 balises sur Google Maps.
Jour de course
Très important le sommeil avant un gros effort physique. Avec un départ en bus prévu à 6h30, j’étais donc ravi de m’endormir à 1h du mat et de me réveiller à 2h30-3h15-4h-5h et enfin 5h45. Franchement, juste à cause du stress et de l’appréhension. Quelle idée de vouloir viser la victoire sur une course méconnue et sans intérêt.
Anecdote
Avant ma toute première course EVER, le semi-marathon de Paris 2014, j’avais carrément vomi pendant la nuit, 2 jours avant la course. Sympa. Bon appétit !
La récupération des dossards et de la balise tracker GPS avant la course se fait dans un pub de Wendover, Shoulder of Mutton. Heureusement pour nous, car il pleut déjà… Ca n’annonce rien de bon pour l’état des chemins. Je vous ai dit que je détestais la boue ? Bon, l’avantage de partir devant est que le terrain n’est pas encore un énorme chantier. D’ailleurs, j’ai vu dans une vidéo qu’il valait mieux partir comme une balle au tout début pour ne pas être ralenti au passage d’un portillon à 400m du départ.
Juste avant le départ, je discute avec les quelques gaillards qui ont l’air bien en jambes pour connaître les aspirations du jour : « record de la course, moins de 4h56 » me dit un dégénéré qui calme mes ardeurs instantanément, malgré lui… Bref, qui vivra verra.
3, 2, 1, zeeeeeeeeeroth !
Le départ est donné et nous sommes 5 à partir à l’allure 3’20 jusqu’au fameux portillon. Ca annonce la couleur. Comme prévu, je me cale derrière le groupe et nous passons les 10 premiers kilomètres ensemble. L’orientation n’est pas optimale mais chacun possède la trace GPX sur son portable ou dans la montre donc on se débrouille quand même. De mon côté, je galère déjà dans la gadoue. J’ai opté pour les Nike Terra Kiger utilisées sur The Vanguard Way mais elles n’adhèrent pas vraiment. Je prends mon mal en patience et je fais l’effort pour ne pas me faire distancer trop vite.
Vers le 18eme kilomètre, un groupe de 3 se détache et je les perds de vue, nous restons à 3 derrière, la route est encore longue et je commence à me dire que ça serait dommage de faire un pop-corn si tôt. Un peu plus loin, les 4ème et 5ème me mettent un léger écart, je ne m’affole pas. Au 28eme km, je me retrouve seul et je navigue tant mieux que mal avec Google Maps ouvert sur mon portable. En traversant un village, je choisis de rester sur la route au lieu d’emprunter un petit chemin de terre : oupsi. Un petit détour plus tard, je retrouve le mec qui était derrière mois à un croisement… « Lucide Nono ohhhh! » me dis-je…
Enfin les canaux
Après ça, je me cale dans sa foulée en espérant qu’il m’emmène jusqu’aux canaux. A ce moment de la course, lui et moi sommes respectivement 6 et 7eme. Quand nous atteignons les canaux au km 32, je sens que j’ai lâché beaucoup trop de forces dans la boue à faire un petit peu le yoyo avec le groupe de tête. Je me rends compte que je n’ai bu que 1L d’eau en 30km, pas très malin. Tout en maintenant l’allure, je me dis que le Top 10 sur 400 inscrits serait déjà un très bon résultat. Je ne sais pas où sont les poursuivants mais il vaut mieux essayer maintenir l’allure. Inexorablement, malgré mes efforts, je vois mon allure diminuer au fil des kilomètres et je laisse mon compère de route prendre de l’avance.
Pour les aficionados de la data, je passe le marathon en 3h26.
Au 45eme km, je me fais doubler par celui que je pensais être 4ème ! Il me raconte qu’il s’est perdu avant les canaux et qu’il pense avoir fait au moins 2km de plus. Ça me fait mal au cœur pour lui mais perso je suis un peu rassuré. J’étais donc 6eme et me voilà 7eme. J’ai toujours un peu de marge. C’est fort appréciable car je commence à être SEC ! J’envoie ces 2 messages remplis de spontanéité. En réponse, de la motivation. C’est beau les amis :
A chaque checkpoint, je me plains avec le sourire aux fantastiques bénévoles qui passent leur journée dehors pour que nous puissions réaliser cette course ! Les bénévoles, c’est vous les champions.
La tête et les jambes
Mon objectif principal est maintenant de conserver ma place et surtout DE NE PAS MARCHER. Je n’ai jamais couru si longtemps de ma vie sans arrêter. Je veux voir jusqu’où je peux réussir à jouer avec mon cerveau malgré la douleur. Tout en courant, je fais un point sur mes douleurs :
Je suis claqué et je fais l’erreur de me projeter à la fin de la course, allongé dans un lit avec de la nourriture en abondance. Je suis au 50eme kilomètre et j’ai envie de me mettre en PLS sur le bord du chemin pour faire une sieste. C’est drôle comment on peut jouer avec son esprit. Je me reprends vite en main, il faut déjà finir cette fichue course !
55eme, j’essaie de me motiver et j’envoie ce message pour me rappeler que la fin est proche :
Au 60eme, j’annonce à une amie qui m’attend à l’arrivée que j’y serai dans 1h. En ayant dit ça, je ne peux plus ralentir. Je dois maintenir les 10km/h au risque de passer pour un gros loser.
Les kilomètres défilent lentement mais sûrement et après 6h06 de course, soit 1h de plus que mon projet initial, je passe enfin la ligne d’arrivée en 7ème position ! Youpiiiiii !
Bilan
Honnêtement, méga satisfait d’avoir réussi à courir l’ensemble de la course même si j’ai ralenti à partir de 40km. Top 10 validé, c’est bon à prendre. Cette course m’a permis de me rappeler que la gadoue c’est chiant et qu’on ne s’improvise pas trailer du jour au lendemain. Big up aux copains qui envoient des messages avant et après les courses. Ça motive énormément et vous êtes au moins aussi importants que les bénévoles !
Si tu as des questions ou des remarques, n’hésite pas à laisser un commentaire !